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Après la tourmente, sur les traces de James Norman Hall au-delà des révoltés de la Bounty

Dernière mise à jour : 29 juil.

par Daniel MARGUERON


Gonzague Aizier, Après la tourmente, sur les traces de James Norman Hall au-delà des révoltés de la Bounty, ‘Ura éditions, Tahiti 2023, 254 pages, 20 € (France).
Gonzague Aizier, Après la tourmente, sur les traces de James Norman Hall au-delà des révoltés de la Bounty, ‘Ura éditions, Tahiti 2023, 254 pages, 20 € (France).

James Norman Hall, un nom que l’on connait encore à Tahiti, ne serait-ce lorsque l’on passe en voiture tous les jours devant la maison-musée de l’écrivain, de part et d’autre de la route de ceinture, au centre de la commune d’Arue. Mais, au fond, l’homme, sa vie, son œuvre, les raisons de sa longue résidence sur l’île, on les ignore bien souvent. C’est pourquoi, le livre que vient de publier Gonzague Aizier comble un vide autant qu’une ignorance partagée. Disons-le d’emblée, Après la tourmente sur les traces de James Norman hall est non seulement une biographie fouillée, précise et détaillée, mais également un livre admirablement écrit dont la lecture constitue, à chaque page, un enchantement.


Après la tourmente, c’est l’après-guerre de 1914-1918, conflit au cours duquel Hall s’était engagé comme aviateur à la recherche de l’aventure et peut-être d’un sens à sa vie, où il a vu et vécu les horreurs du conflit, dont il est difficile de se relever indemne, qui a, en outre, causé tant de blessures et le désir de découvrir un monde apaisé, un « calme » intérieur, propice à l’écriture qui l’attire. La littérature européenne de l’époque est remplie de ces traumatismes, ce qui a poussé le poète Aragon à encourager les jeunes à voyager et découvrir d’autres mondes, peut-être des havres de paix en évoquant, la nostalgie inconsciente des îles (dans Henri Matisse, roman).


Gonzague Aizier, restitue la vie de Hall (Colfax 1887 - Arue 1951), chacune de ses étapes pour trouver un enracinement intellectuel et réaliser sa vocation d’écrivain dont il se sent investi. Il détaille son amitié littéraire et d’écriture avec Charles Nordhoff, en compagnie duquel il rédigera plusieurs romans dont la trilogie Les Révoltés de la Bounty, Pitcairn et Dix-neuf hommes contre la mer, il initie également l’arc narratif de cette littérature à quatre mains, en ouvrant des pistes de compréhension de l’œuvre. Il reconstitue le paysage humain de Tahiti de l’entre-deux guerres, l’hôtelier Rivnac, le poète Keable, le linguiste Stimson (le père d’Odette Frogier), l’écrivain Grey, le créateur du jardin botanique H. Smith, sans oublier ses nombreux amis polynésiens qui manifesteront leur attachement à sa personne à son décès. On découvre l’amitié de Hall pour l’écrivain Frisbie que les éditions ‘Ura ont déjà fait traduire par Henri Theureau et publié ces dernières années. Curieusement, les écrivains et voyageurs francophones et anglophones ne se croisent pas, ils s’ignorent et leurs respectives visions de Tahiti sont bien différentes. Hall voyage dans les îles, y recherche et puise son inspiration, retourne aux États-Unis en Europe parfois, et s’il vit à Arue avec sa famille, il poursuit encore une existence nomade, signe d’une insatisfaction existentielle. Reconstruire, mais quoi et comment ? À l’issue de ce périple dans la vie, à travers voyages, activités et relations humaines, l’écrivain n’apparait ni particulièrement sympathique, ni totalement heureux malgré le succès de ces œuvres. Demeurent une certaine distance, la retenue d’un homme complexe, peut-être incomplètement réalisé, inabouti sans doute.


Aizier nous mène, en outre, dans une visite des salles du musée éponyme d’Arue, glisse ses yeux sur le mobilier comme la bibliothèque remplis d’histoire, ainsi que sur les photos recouvrant les murs de sa demeure, témoins expliqués d’une vie particulièrement dense. En lisant cet ouvrage, m’est souvent revenue à l’esprit la réflexion de J. M.G. Le Clézio s’interrogeant sur ce que la littérature dit à côté des mots.


C’est donc une biographie à lire qui incite à découvrir ou à se replonger dans les romans historiques de cet Américain, et à visiter sa demeure-musée. Hall est, en effet, le seul écrivain qui bénéficie de cette chance à Tahiti : en effet, depuis plus de dix ans le musée de Papeari consacré au peintre Paul Gauguin est fermé, et l’on ignore ce qu’il en adviendra, malgré plusieurs annonces gouvernementales sans lendemain. Modeste consolation : on peut se rendre dans la vallée de Titioro, à l’est de Pape’ete, et rencontrer la stèle de l’écrivain Pierre Loti, à défaut de l’espiègle Rarahu…

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