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Les jeux olympiques de Paris 2024 : vers un nouveau souffle du sport professionnel en Polynésie française

par Maruki DURY


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Les épreuves de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024 ont été organisées à Tahiti et l’événement a été un incroyable coup de projecteur pour la Polynésie française et pour la discipline sportive du surf shortboard (planche courte). La compétition a eu lieu sur la célèbre vague de Teahupo’o du 27 juillet au 5 août (waiting period comprise). Sur un créneau d’environ deux semaines, 24 surfeurs professionnels et 24 surfeuses professionnelles ont pu s’affronter pour espérer décrocher des médailles olympiques. Une petite révolution pour cette discipline sportive qu’est le surf shortboard, inscrite au programme additionnel des JO depuis Tokyo en 2021. L’une des trois valeurs de l’olympisme, outre le respect et l’amitié, c’est l’excellence. L’excellence du sport, l’excellence de la performance. Pour les athlètes qui visent l’excellence et aspirent à gagner leur vie grâce à la pratique de leur discipline, l’alliance du sport et de la performance conduit inéluctablement vers le professionnalisme. Mais en Polynésie française, la professionnalisation du sportif et l’autosuffisance financière de ce dernier sont très difficiles à atteindre, et les raisons peuvent être nombreuses. Manque d’infrastructures sportives, manque d’encadrement, manque de sponsors, éloignement géographique : devenir un athlète de haut-niveau au Fenua est un véritable défi. Cet article vise à donner plusieurs exemples concrets de difficultés rencontrées par les athlètes polynésiens dans leur quête de la professionnalisation et de performance. Pour le rédiger, nous nous appuyons sur notre expertise journalistique de plus 10 ans dans le domaine du sport en Polynésie française, mais nous avons également rencontré plusieurs sportifs, anciens professionnels ou athlètes de haut-niveau de diverses disciplines (surf, football, basketball). À travers des entretiens, des discussions informelles et des interviews, nous avons aussi rencontré des encadrants, des bénévoles d’associations sportives ou encore des médecins pour recueillir leurs avis et leurs expériences sur le processus de professionnalisation du sportif polynésien et les difficultés rencontrées.


Nous sommes partis de plusieurs constats dans le milieu du sport polynésien. Les infrastructures sportives sont peu nombreuses dans les communes de l’archipel de la Société (Tahiti, Moorea, les îles sous le vent) et encore plus rares dans les îles éloignées. Les encadrants au sein des associations sont tous bénévoles - donc non-rémunérés - ce qui peut avoir un impact sur la motivation à long terme pour mener à bien les missions d’encadrement des jeunes notamment. Le milieu social a un impact sur le choix du sport pratiqué et le soutien de l’entourage envers le sportif. L’éloignement géographique de la Polynésie française et les coûts des déplacements élevés représentent un frein indéniable au développement d’une carrière professionnelle. Pour toutes ces raisons, il semble opportun de s’interroger sur la professionnalisation du sport dans notre pays. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par un sportif polynésien souhaitant devenir professionnel ? Quels sont les freins que peut rencontrer l’athlète polynésiens ? Les Jeux Olympiques de Paris 2024 à Teahupo’o vont-ils changer la donne ? Nous allons tenter de répondre à ces interrogations. 


Cet article peut s’articuler en deux parties. La première partie traitera de l’ancienne génération de sportifs polynésiens, celle qui a ouvert la voie aux plus jeunes et qui a posé les bases de la professionnalisation des athlètes du Fenua. On pense notamment à Maurice Apeang en boxe anglaise, à Pascal Vahirua en football ou encore à Georgy Adams en basketball. La seconde partie de notre article s’intéressera à la génération récente de surfeurs professionnels polynésiens et notamment les trois champions Michel Bourez, Kauli Vaast et Vahine Fierro. Ces trois athlètes ont initié une nouvelle dynamique dans le milieu du surf professionnel local. 


Quelques exemples de sportifs professionnels polynésiens de l’ancienne génération 


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Georgy Adams est LA star du basketball polynésien. Un homme que j’ai pu côtoyer car il a été mon entraîneur au sein du club d’Aorai. C’est le seul joueur polynésien à avoir évolué au très haut niveau du basketball international. « Gy » comme tout le monde le surnomme, a évolué en Pro A, le championnat élite en France durant plusieurs années avec notamment les clubs d’Antibes (8 ans), du CSP Limoges (2 ans) ou encore de l’ASVEL Villeurbanne (3 ans) : la crème de la crème dans l’Hexagone. Il a été deux fois champion de France. Dans sa carrière internationale, il compte 73 sélections en équipe de France pour presque 400 points. Il a aussi pu jouer face à Michael Jordan considéré comme le GOAT (greatest of all time ; le plus grand joueur de tous les temps) et défendre sur lui. C’était lors des matchs de préparation de la Dream Team de 1992, la plus grande équipe de l’histoire du basketball moderne. « À l’époque, Georgy évoluait déjà dans des matchs face à des adultes, à Tahiti, et il était à un niveau bien au-dessus. Les autres joueurs jouaient « mauvais » sur lui car il était trop fort » confie son ancien coach et ami Pierre Villant, actuel coach de l’AS Aorai. Très tôt, Georgy est parti en France métropolitaine pour tenter d’intégrer un effectif professionnel et progresser. Lors de nos nombreux échanges, il insiste sur la nécessité de partir en Europe, ou aux États-Unis durant son cursus scolaire et l’adolescence pour atteindre le haut-niveau. Il le martèle : 


« Tu ne peux pas être au top en restant à Tahiti. C’est impossible. » 


Aujourd’hui, après une carrière d’entraîneur et l’obtention de ses diplômes d’encadrant sportif, Georgy Adams est conseiller technique pour la FTBB, la Fédération tahitienne de basketball. Il se consacre à la formation des éducateurs de basketball en Polynésie dans l’objectif de dynamiser le tissu associatif et de pousser les jeunes talents à partir à l’étranger pour perfectionner leurs aptitudes et trouver, pourquoi pas, la voie professionnelle. 


Dans l’histoire du football tahitien, la famille Vahirua est particulièrement connue. Pascal et Marama Vahirua ont tous les deux mené deux brillantes carrières professionnelles de footballeur. Pascal Vahirua a évolué au haut niveau français dans les années 80 et 90. La majeure partie de ses exploits ont été réalisés avec l’AJ Auxerre. Surnommé « Vahi » par les supporters, le gaucher tahitien, 22 sélections en équipe de France (1 but) a marqué les générations polynésiennes car il a porté le maillot de l’équipe nationale française et a connu le très haut niveau durant deux décennies. Là encore, Pascal Vahirua a quitté très tôt sa Polynésie natale. Il avait 16 ans et demi quand il a intégré le centre de formation de l’AJ Auxerre en 1982. Pascal Vahirua est encore à ce jour, le seul Polynésien qui a porté le maillot de l’équipe de France seniors, l’EDF A. Le seul but de sa carrière internationale a été inscrit face à la Belgique au parc des Princes, le 25 mars 1992. « Vahi », c’est 286 matchs en Ligue 1, 50 buts avec l’AJA, 30 matchs de Coupe de d’Europe (7 buts,) 30 matchs de coupe nationale (7 buts), une coupe de France remportée en 1994. Aujourd’hui, le Tahitien partage son expérience du plus haut niveau avec les effectifs de l’AS Tefana depuis 2014, en plus de ses fonctions au sein de la mairie de Faa’a, qui subventionne le club de Puurai. Son envie de partager avec les jeunes générations est très prononcée : 


« Je suis très occupé. C’est passionnant. Je n’ai jamais oublié d’où je venais. J’ai envie de transmettre aux jeunes Polynésiens, de les faire croire en eux et de leur donner envie d’avancer. 


Le foot a été mon premier métier et je crois que ce sera mon dernier » confiait Pascal Vahirua, à sportacaen.fr en 2022. 


Un Vahirua en cachait un autre à la fin des années 90 et le parcours de Pascal Vahirua a forcément inspiré Marama Vahirua, son neveu. Ce dernier confiait en 2010 au site des supporters de l’AS Nancy Lorraine, en répondant à la question :


« Est-ce que le fait d’avoir votre oncle qui a fait une carrière professionnelle en France vous a aidé à passer les étapes ?  ça m’a motivé. Mes cousins me disaient de faire comme lui. Ça me motivait encore plus quand je le voyais à Téléfoot tous les dimanches. (…) Quand j’ai grandi, la comparaison a été difficile car tout le monde pensait que j’étais gaucher comme lui. Ça a été dur de faire ma propre image. » 


Mais durant sa carrière professionnelle, Marama Vahirua s’est très largement fait un prénom. Ses célébrations et son coup de rame simulé après un but, pour rendre hommage à son Fenua, ont fait le tour de la France, des outremers et même d’Europe. Marama Vahirua, c’est une carrière professionnelle de joueur de 15 années. Formé à l’AS Central Sport puis l’AS Pirae, Marama a quitté le Fenua durant ses années juniors. À 15 ans, il évolue déjà avec l’équipe seniors de Pirae et se fait remarquer par le légendaire Guy Roux, de l’AJ Auxerre. Mais Marama estime qu’il est encore trop jeune et part finalement en 1997 pour Nantes. La suite fait partie de l’histoire du football français. L’attaquant tahitien passe six ans à Nantes pour 52 buts en 148 matchs, un championnat de France et une coupe de France. Marama Vahirua connaît aussi durant sa carrière professionnelle, l’OGC Nice, le FC Lorient, l’AS Nancy ou encore l’AS Monaco. Il quitte même la France pour la Grèce durant la saison 2012 – 2013 pour le club du Panthrakikos avec qui il dispute 30 matchs pour 5 buts. Un moment fort de la carrière du footballeur-rameur tahitien : un match face à Andres Iniesta, légende du FC Barcelone lors d’un match de coupe des confédérations entre Tahiti et l’Espagne en 2013. 


« J’ai réalisé un rêve en jouant contre le meilleur joueur du monde. Je dis toujours aux jeunes, une Formule 1 sans essence, ce n’est rien. Pour la Formule 1 au Barça c’était Lionel Messi. À l’époque, Xavi et Iniesta étaient l’essence car les ballons passaient par eux. Avec Andres Iniesta, nous avons échangé nos maillots »


En 2024 et après avoir passé plusieurs années au sein de l’équipe de Pirae après sa carrière professionnelle de joueur, Marama Vahirua est passé par l’OGC Nice et est aujourd’hui adjoint de l’entraîneur du club de Grenoble Foot 38, en Ligue 2. Contrairement à son oncle Pascal Vahirua rentré à Tahiti et membre de l’encadrement de l’AS Tefana, Marama Vahirua à lui décidé de continuer à s’exporter et de rester dans le « moule » du haut niveau. Avec les deux footballeurs de la famille Vahirua, nous avons là deux exemples de Polynésiens qui se sont exportés jeunes, à l’extérieur de leur Fenua pour épouser une carrière professionnelle. L’attachement à la terre natale est aussi une évidence pour ces deux anciens athlètes tous deux revenus à Tahiti durant leur retraite sportive. 


Dans un autre registre, et durant une époque plus ancienne, un autre athlète du Fenua s’est aussi distingué dans le milieu sportif professionnel. Après le basketball et le football, parlons de boxe anglaise car Maurice Apeang a été le premier Polynésien de l’histoire à participer à des Jeux Olympiques. C’était à Munich, en Allemagne en 1972. Une XXe Olympiade qui est restée à jamais gravée dans la mémoire du tahitien car la compétition a été marquée par la tragédie des prises d’otages et le meurtre de onze athlètes israéliens. Plus de 7 000 athlètes de 121 nations avaient pris part à la plus grande compétition sportive au monde et le Tahitien en faisait partie. Maurice Apeang s’est confié au pôle outremer de France Télévisions en 2024. 

Il représentait la France dans la catégorie des moins de 57 kilos et a perdu son seul combat en 32e de finale contre un boxeur américain. 


« En France ils ont voulu me garder pour rester en équipe de France, ils voulaient que je fasse des documents et que je m’engage dans le Bataillon mais je ne voulais pas. Je voulais revenir au Pays car ça me manquait et je voulais continuer ma carrière de boxeur à Tahiti ». 


Comme Maurice Apeang dans les années 70, plusieurs générations de sportifs polynésiens sont aussi freinées par cet éloignement familial. L’appréhension d’être seul dans un environnement inconnu pèse fortement dans les décisions liées aux sacrifices des sportifs et la préparation aux voyages à l’international pour des compétitions de haut niveau. Les moyens financiers engagés viennent souvent de sponsors et de fonds personnels et cela représente aussi un frein à l’évolution d’une carrière professionnelle. La performance et les résultats conditionnent fortement le soutien des sponsors, c’est ainsi en Polynésie mais aussi partout dans le monde, dans toutes les disciplines. 


Vetea David, ancien surfeur professionnel polynésien a connu ces difficultés. Champion de France junior en 1984, champion d’Europe junior en 1984 et champion du monde junior en 1986, « Poto » comme on le surnomme a été le premier tahitien à se qualifier sur le WCT, le World Championship Tour, le circuit de compétition de l’élite du surf mondial. Il l’intègre en 1989. Par deux fois, il est finaliste du Pipe Masters, la plus prestigieuse compétition du circuit de surf mondial. Mais ces résultats ont été obtenus au prix de nombreux sacrifices comme l’a confié le surfeur tahitien dans le podcast de Polynésie La 1ère « Horizon Teahupoo » en mai 2024. « En fait tout a commencé en 1984. On est partis en France avec une équipe de Tahiti et j’avais 14 ans. J’ai gagné le championnat de France toutes catégories. C’est comme ça que j’ai commencé à être connu. L’année d’après je suis allé en Irlande, j’ai gagné le titre de champion d’Europe Junior. C’est seulement en septembre 1986 que je gagne le titre de champion du monde junior, en Angleterre ». Vetea David n’est pas encore majeur, et il fait déjà le tour du monde pour les compétitions de surf. 


« Le fait d’avoir fait des compétitions en Australie, dès l’âge de 13 ans, ça m’a motivé à être professionnel car je suis resté là-bas deux mois, à m’entraîner. Je ne savais pas que j’allais être professionnel. C’était une passion » partage avec nostalgie Vetea David. « Mais ça a été un long chemin, le fait de voyager et de te retrouver tout seul » admet-il


Une autre surfeuse professionnelle qui a marqué les années 90-2000 partage aussi son regard sur les difficultés des sportifs polynésiens pour être performants et « durer » dans le monde professionnel. Le soutien financier est fondamental pour se déplacer sereinement et se focaliser sur les entraînements et la performance durant les jours de compétition. Patricia Rossi s’est confiée dans le même podcast de Polynésie La 1ère, « Horizon Teahupoo » d’avril 2024 : 


« J’étais payée 53 060 francs par mois (environ 400 euros). À l’époque, c’est vrai que c’était très, très difficile. Moi, je sais que les quatre premières années de ma carrière professionnelle ont été financées en majorité par mes parents ». 


Les problèmes de parité des salaires sont déjà criants à l’époque. Les surfeuses gagnaient moins que leurs homologues masculins. Aujourd’hui, avec le recul et désormais cheffe d’entreprise, Patricia Rossi évoque aussi l’après carrière de sportif de haut niveau : 


« C’est compliqué pour un sportif de haut-niveau d’être au top, d’être mis sur un piédestal par tout le monde, par le public, par le gouvernement, par son pays. Et puis, du jour au lendemain, de retomber dans l’anonymat le plus total » conclut l’ancienne championne de surf qui a dominé le circuit féminin tahitien pendant plus de 20 ans. 


Le surf professionnel moderne et les exemples polynésiens de Michel Bourez, Vahine Fierro et Kauli Vaast

Michel Bourez est un des plus grands sportifs polynésiens de l’ère moderne. Le Spartan comme il est surnommé, a évolué durant 12 ans sur le WCT, le world championship tour (2009 à 2020) : l’élite du surf mondial. Il a fait partie de l’équipe de France de surf qui a participé aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021, édition qui a inscrit les épreuves de surf dans son programme additionnel pour la première fois de l’histoire. Le surfeur originaire de Teva I Uta a fini 9e de la compétition après avoir été éliminé en quart de finale. Après une année 2020 à l’issue de laquelle il connaît la relégation en Challenger Series et donc une sortie du World Championship Tour, il soigne une grave blessure aux cervicales et subit une intervention chirurgicale. Malgré une incroyable détermination à se qualifier pour les JO de Paris 2024 à Teahupo’o, Michel Bourez a annoncé sa retraite sportive à l’issue du relai de la flamme olympique de Paris 2024 à Tahiti. Michel Bourez a été choisi comme dernier relayeur pour allumer le chaudron le 13 juin, au cœur de la place To’ata. 


Ce moment est venu conclure une carrière sportive phénoménale. J’ai eu la chance de travailler et côtoyer Michel Bourez durant plusieurs jours à l’occasion des épreuves de surf des Jeux Olympiques. L’ancien surfeur a été recruté par France Télévisions pour couvrir l’intégralité de la compétition et apporter son expertise. J’ai donc pu en savoir plus sur son parcours sportif et les difficultés qu’il a pu rencontrer. 


« C’est simple : dans le surf tout peut aller très vite si tu gagnes une compétition » partage l’ancien champion. « Au début, tu galères à trouver des sponsors, tu dois trouver de l’argent pour te déplacer à l’étranger, faire les compétitions, monter dans le classement. 


Si tu perds, tu galères et ça a un impact sur ton état d’esprit. Mais si tu gagnes, tu attires l’attention des sponsors, et là tu peux être soutenu dans tes déplacements, dans ton matériel, dans tout en fait » confie Michel. 


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Au début de sa carrière, le Tahitien a été un des surfeurs soutenus par le géant américain Nike. Il a d’ailleurs entretenu un très bon rapport professionnel avec la société puisqu’il a aussi été sponsorisé par Hurley, marque appartenant à Nike jusqu’en 2019. Bourez a parfaitement géré sa carrière professionnelle et il est une exception polynésienne dans le monde du surf. Il le dit lui-même avec des mots très francs :


« On devait se démerder ! C’est clair. Tu étais tout seul. On n’avait pas l’accompagnement qu’il y a aujourd’hui, avec les médecins, tout le staff. Même les caméramans, les gars qui te filment pour les sponsors, il faut vraiment que tu sois performant pour qu’on mette les moyens sur toi. (…) Aujourd’hui, le niveau du surf mondial a augmenté, donc il faut vraiment être très bon pour avoir des sponsors » conclut le néo-retraité.


Karyl Peyrolle, physiothérapeute du sport accompagne Michel Bourez depuis plusieurs années. Selon lui, la sensibilisation aux soins, à la prévention des blessures et à tous les aspects médicaux du sport est quasi inexistante en Polynésie française. Par exemple, pour la plupart des athlètes polynésiens, il y a un rapport particulier à la blessure. Karyl s’explique : 


« par rapport au système australien, que je connais bien, en termes de prévention des blessures, on est très en retard. Dans le va’a par exemple, la blessure, c’est une fatalité. On a mal, c’est comme ça, on fait avec, mais il y a différents types de maux. À Tahiti on est trop peu sensibles à ça. Je pense qu’il faut éduquer les sportifs dès le plus jeune âge ». 


Prévenir des blessures et prendre soin de son corps est une philosophie peu inculquée en Polynésie française, mais les prises de conscience se multiplient au fil des années. Aux Mini-Jeux du Pacifique de Saipan aux îles Mariannes du Nord en 2022 et aux Jeux du Pacifique de Honiara aux îles Salomon en 2023, le comité olympique de Polynésie française (COPF) a fait appel pour la première fois à un staff médical spécialisé. Les athlètes polynésiens qui ont eu droit aux soins après les matchs, après les entraînements et au suivi professionnel ont unanimement salué le travail des masseurs, physiothérapeutes et kinésithérapeutes. 


« Le tahitien a beaucoup de qualité physique, mais l’encadrement manque. La détection précoce et le soutien autour du sportif : il y a un gros problème sur ça. Et il faut un encadrement de qualité, ça manque aussi » appuie Karyl Peyrolle. 


Au fil des échanges avec les professionnels du domaine médical spécialisés dans l’accompagnement du sportif, il ressort que plusieurs sujets sont négligés par les athlètes. La nutrition du sportif est par exemple trop peu prise en compte. 


« Au niveau diététique, il n’y a rien. Manger équilibré, peu d’athlètes le font. Les rameurs mangent beaucoup en quantité mais souvent, ce n’est pas équilibré. Un athlète qui a du succès, il a le talent, mais il dort bien, il mange bien : il prend soin de son corps » conclut Karyl Peyrolle. 


Ces deux personnes que nous avons rencontrées, Michel Bourez et Karyl Peyrolle, et avec qui nous avons longuement discuté, font aussi un constat unanime : l’éloignement géographique de la Polynésie est une difficulté majeure au développement du sport professionnel. C’est surtout le niveau de l’adversité sur le plan local qui peut freiner la progression d’un athlète, alors ce dernier doit s’exporter pour essayer de « percer ». 


La médaille d’or de Kauli Vaast et le sacre de Vahine Fierro sur le WCT donnent un nouvel élan 


Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont été une réussite exceptionnelle. Dans la capitale française, plusieurs épreuves ont été organisées dans un cadre exceptionnel. La richesse culturelle de la France a été exposée au monde et les épreuves de surf n’y ont pas échappé. Organisées pour la deuxième fois de l’histoire après Tokyo en 2021, les séries entre 48 athlètes de 21 nations différentes se sont tenues sur la très reconnue vague de Teahupo’o du 27 juillet au 5 août 2024, avec des journées d’interruption comptabilisées pour permettre d’attendre la meilleure houle (waiting period). Pour cet événement international des Jeux Olympiques de Paris 2024, deux surfeurs tahitiens ont décroché leurs places pour représenter la France. Vahine Fierro et Kauli Vaast ont obtenu leur qualification lors des championnats du monde ISA de 2023. Après Michel Bourez en 2021 à Tokyo, les deux jeunes athlètes ont fièrement représenté la France et surtout leur terre d’origine, la Polynésie française. Sacrée en mai 2024 lors de la Shiseido Tahiti Pro, Vahine Fierro a été la première polynésienne de l’histoire du surf à s’imposer sur l’étape tahitienne du WCT. Après avoir surfé des vagues magiques et perfectionné une lecture de trajectoire unique, Vahine Fierro est surnommé the Queen of Teahupoo, la reine de Teahupo’o, tant son niveau sur cette vague de récif impressionne. Après avoir gagné l’étape tahitienne de la World Surf League et obtenu un prix de 12 millions de francs CP, la jeune surfeuse originaire de Huahine a malheureusement perdu au stade des 8e de finales des Jeux Olympiques. Une défaite qu’elle a vécu comme un cauchemar, elle qui souhaitait tant briller sur son spot, devant la population polynésienne. Mais le parcours de la surfeuse professionnelle est déjà exceptionnel. Elle est sponsorisée par une très grosse marque de surf destinée aux femmes, Roxy ou encore par la Française des Jeux et Air Tahiti Nui. Des sponsors de taille qui lui permettent de financer ses déplacements à l’étranger pour disputer les compétitions du Challenger Series. Depuis plusieurs années, Vahine Fierro gère parfaitement sa carrière professionnelle, ses sponsors et les financements de ses déplacements. Il faut dire qu’elle s’est préparée pour ce moment dès l’adolescence, après avoir quitté son île natale et être devenue lycéenne interne du lycée de Papara. En effet, l’établissement propose depuis 12 ans une section de surf qui permet aux élèves d’allier sport et études. 


Mais pour Paris 2024, le tournant historique du surf polynésien a été certainement emprunté le 5 août 2024. Le tahitien Kauli Vaast a été le premier tahitien à gagner une médaille d’or aux Jeux Olympiques. À domicile, le surfeur originaire de Vairao s’est imposé en finale face à l’australien Jack Robinson grâce à des vagues quasi parfaites, notées 9,5 sur 10 et 8,17 sur 10. Un moment unique pour le Tahitien qui a brillé de mille feux aux yeux du monde. Grâce à une exposition médiatique sans pareille pour sa jeune carrière, Kauli Vaast a très probablement donné le meilleur des coups de pouce au surf polynésien et à la professionnalisation du sport. Grâce à de très gros sponsors tels que Quiksilver, Red Bull ou encore Dior, Kauli Vaast bénéficie depuis plusieurs années de financements plus que suffisants pour soutenir ses déplacements dans le cadre des Challengers Series, pour se qualifier dans le WCT. Après un sacre historique qui lui a notamment permis de remporter une prime de 9,5 millions de francs CP, Kauli Vaast a célébré sa victoire en surfant sur la Seine à Paris et en prenant un bain de foule dans la capitale parisienne, trois jours après son sacre olympique. Probablement le plus grand moment de l’histoire du sport polynésien. Un titre olympique qui pourrait offrir davantage d’opportunités aux athlètes professionnels du Fenua. Quant à Kauli Vaast, à l’image de Vahine Fierro, il fait partie de ces surfeurs polynésiens qui ont tous les atouts pour réussir leur carrière professionnelle. 

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