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Une amitié artistique

Nicolaï Micoutouchkine et Aloï Pilioko


Artistes du Pacifique


par Riccardo PINERI


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Ces deux artistes se lient d'amitié en Nouvelle-Calédonie et à Futuna dans les années cinquante et contribuent à faire connaître les arts traditionnels d’Océanie et les associer, d’une façon jusque-là inédite, à la création artistique contemporaine.


Nicolaï Michoutouchkine est né en 1929 à Belfort d’une famille de réfugiés russes. Il fait des études artistiques et d’économie à Paris avant de traverser le Moyen-Orient, la Birmanie et le Népal et d’arriver en Nouvelle-Calédonie où il rencontre Pilioko.


Aloï Pilioko - © Christian Coiffier, Paris, 2011
Aloï Pilioko - © Christian Coiffier, Paris, 2011

Aloï Pilioko est né à Wallis en 1935, d’un père constructeur de cases traditionnelles et de pirogues, dans une famille nombreuse et profondément liée à la religion chrétienne. Après une scolarité à la mission catholique, il travaille aux Nouvelles-Hébrides (devenues le Vanuatu) et ensuite à Nouméa où en 1959 il rencontre Nicolai Michoutchkine qui était devenu propriétaire d’une galerie d’art. L’année suivante Aloï retourne à Wallis et accepte l’invitation de Nicolaï de le rejoindre à Futuna, où celui-ci s’est établi depuis la fin de l’année. Commence ici une période de travail créateur commun qui durera toute leur vie. Ils s’installent à Futuna pendant deux ans et ensuite à Port-Vila en 1963. Les deux amis partent ensuite à Tahiti, faisant la connaissance du peintre Rui Juventin et du marquisien Kimitete. Ils font ensuite retour aux Nouvelles-Hébrides en 1964 et s’installent au bord du lagon d’Erakor qui deviendra leur lieu de création, tout en voyageant dans le Pacifique, les îles Salomon, les Tonga et surtout l’Australie qui depuis les années 60 a créé le Festival des Arts d’Adélaïde et qui accueillera Pilioko et lui donnera bientôt une reconnaissance internationale. Aux îles Fidji, Pilioko découvre les nattes décorées avec des laines aux couleurs variées qui renvoient à son propre travail avec les « peintures à l’aiguille ». 


« De la pointe de l’aiguille, je traçais sur la toile des lignes très proches des dessins de tapa et je commençai à broder. D’un seul coup, tout prit sens. J’avais trouvé ma voie. Par la suite, des personnages vont naître. J’avais maintenant une façon bien à moi de m’exprimer (Pilioko, 1980, 27)


Le langage pictural de Pilioko s’affirme, riche en couleurs naïves, avec des formes où se mélangent le réel et l’imaginaire, des chats bleus ou orangés, et des créatures du lagon aux couleurs les plus improbables. L’intelligence pratique de Michoutouchkine et son sens des affaires se mettent au service de la peinture de l’ami. En 1967 les deux artistes exposent au musée de la Ville de Paris. La compagnie d’aviation UTA propose à Pilioko d’illustrer avec des dessins les chambres de l’hôtel Maeva Beach à Tahiti. En 1971, Michotouchkine décore le Royal Papeete Hôtel. Ils présentent leurs œuvres à Tokyo et voyagent au Japon et en Corée, ne cessant d’enrichir la palette de leur esprit.


Tapisserie d’Aloï Pilioko, intitulée Pilou pilou, Nouvelle-Calédonie, atelier d’Esnaar, 1980
Tapisserie d’Aloï Pilioko, intitulée Pilou pilou, Nouvelle-Calédonie, atelier d’Esnaar, 1980

Collectionneurs d’objets d’art et d’artisanat local, ils les exposent dans le monde entier, ainsi que leurs œuvres, en Russie, au Japon, au Canada et en Europe, pendant plus de quinze ans, procédant à l’alliance toute contemporaine d’art et d’artisanat. Ils font le voyage en Russie, à la découverte du pays natal de Michotouchkine, avant d’exposer à Malmö en Suède. En 1978 ils créent, dans le pays qui deviendra indépendant en 1980 sous le nom de Vanuatu, la Fondation Micotouchkine-Pilioko avec plus de 700 objets traditionnels de l’art océanien, bien avant le musée du quai Branly. Pour soutenir leur Fondation, ils ouvrent une boutique au centre-ville de Port-Vila et ils obtiennent un vif succès avec les chemises et les robes peintes à la main. En 2006 la plupart des objets traditionnels sera transféré au Nusa Dua Museum de Bali.


Détail du travail de l’aiguille
Détail du travail de l’aiguille

En 2007 le Centre Tjibaou de Nouméa consacre une exposition aux deux artistes et en 2017 la galerie Arte Bello organise leur dernière exposition en Nouvelle-Calédonie. Michotouchkine meurt en 2010 et le Wallisien Pilioko disparaîtra dix ans plus tard en octobre 2020.


Crédits photos © Christian Coiffier.



Nicolai Michoutouchkine, Portrait (Christian Coiffier, Paris, 1980)
Nicolai Michoutouchkine, Portrait (Christian Coiffier, Paris, 1980)

Aloï Pilioko, Tapisserie (1953) (DR)
Aloï Pilioko, Tapisserie (1953) (DR)

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