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Albert Wendt : En quête d’une nouvelle Océanie

Dernière mise à jour : 6 août

par Jean-Pierre DURIX


« Nous sommes ce que nous nous rappelons ou ce que nous voulons bien nous rappeler, la corde tendue au-dessus de l’abyme de tout ce que nous avons oublié. » (1)


Albert Wendt, Honolulu janvier 2008 - Cliché : J.P. Durix
Albert Wendt, Honolulu janvier 2008 - Cliché : J.P. Durix

Dans les années 1970 la Nouvelle-Zélande connaît une révolution artistique qui bouleverse le paysage littéraire de tout le Pacifique sud anglophone. Cette réaffirmation de l’identité maorie se situe aussi dans un contexte plus vaste de libération postcoloniale marqué par l’indépendance de l’Inde en 1947 et surtout par l’important mouvement de décolonisation des années 1960. Lors de la décennie suivante émerge la première génération d’écrivains polynésiens anglophones qui accèdent à l’enseignement supérieur notamment dans les universités néo-zélandaises. Witi Ihimaera et Patricia Grace se distinguent rapidement comme les précurseurs d’une littérature fondée sur une vision maorie du monde qui les entoure.


Tangi (2), le premier roman de Witi Ihimaera, paraît en 1973. Ce récit centré sur la perte du père et les affres d’un protagoniste déchiré entre un monde contemporain dominé par les valeurs pakeha (3) et la culture maorie s’ouvre sur une évocation poétique du mythe des origines :


Ma mère était la terre.

Mon père était le ciel.

Ils s’appelaient Rangitane

Et Papatuanuku,

Les premiers parents qui s’étreignaient

Si fort que le jour n’existait pas.


Waiariki, premier recueil de nouvelles écrites par Patricia Grace, paraît en 1975. Cette série de petits tableaux rédigés sur un mode mineur traduisent la vie, les aspirations et les désillusions de personnages maoris dans un monde moderne où ils cherchent à trouver leur place. Son premier roman Mutuwhenua. La Lune dort (4) explore les difficultés rencontrées par une jeune femme qui découvre qu’après son mariage le monde pakeha qui l’entoure entre en conflit avec ses propres valeurs spirituelles. Dans son chef-d’œuvre, Potiki. Le petit dernier (5), Patricia Grace retrace dans une langue poétique empreinte d’oralité l’histoire d’une communauté maorie menacée par l’intrusion de promoteurs avides de profits.


Albert Wendt, né en 1939, grandit à Apia, Samoa, dans une famille polynésienne qui compte un arrière-grand-père allemand. Titulaire d’une bourse, Wendt est admis à New Plymouth Boys’ High School en Nouvelle-Zélande avant de poursuivre ses études à Ardmore Teachers’ College à Auckland, puis à Victoria University, Wellington, où il obtient un master en histoire. Il enseigne ensuite à Samoa College, puis à l’Université du Pacifique sud à Fidji avant de devenir en 1988 professeur d’Études du Pacifique à l’Université d’Auckland, un poste qui lui permet de développer considérablement sa discipline avec l’aide de Reina Whaitiri et de Witi Ihimaera qui le rejoint bientôt dans son département. Dans la sphère anglophone, Albert Wendt est sans doute l’écrivain et artiste polynésien le plus prolifique et le plus influent de sa génération. Ses premiers écrits sont publiés alors qu’il n’a que quinze ans. Théoricien d’une identité Pacifique, romancier, nouvelliste, poète, auteur de théâtre et peintre, il occupe tous les champs de la culture et joue un rôle déterminant dans l’éclosion de nouveaux talents en Polynésie anglophone. Il coordonne notamment Nuanua, Pacific Writing in English since 1980 (6), une anthologie de textes rédigés par des auteurs issus du Pacifique anglophone. Son rôle éminent est reconnu internationalement et lui vaut de recevoir un doctorat honoris causa de l’Université de Bourgogne à Dijon en 1993.


Albert Wendt reçoit son doctorat honoris causa des mains du président de l’Université de Bourgogne, Gilles Bertrand, Dijon, novembre 1993. À gauche de l’image : J.P. Durix - Cliché : Dominique Geoffroy
Albert Wendt reçoit son doctorat honoris causa des mains du président de l’Université de Bourgogne, Gilles Bertrand, Dijon, novembre 1993. À gauche de l’image : J.P. Durix - Cliché : Dominique Geoffroy

Dans un article déterminant qui paraît en 1976 dans la revue Mana à Fidji, il affirme son identité océanienne et dénonce les mythes véhiculés par les premiers voyageurs européens qui perçoivent les Polynésiens comme des bons sauvages habitant un Eden tropical. À ce stade de son existence il tient à mettre en évidence ses racines tout en admettant que l’objectivité n’est peut-être qu’un leurre. « La réalité pour un être humain en particulier n’est que de la fiction pour un autre. Peut-être que nous-mêmes nous n’existons que dans nos rêves mutuels. » (7) Et il poursuit : 


Nos morts sont tissés au sein de nos âmes comme la musique hypnotique des flûtes en os : nous ne pouvons leur échapper. Si nous le leur permettons, ils peuvent nous aider à faire la lumière sur nous-mêmes et sur nos relations avec les autres. Ils peuvent être la source d’une fierté, d’un respect de soi et d’une sagesse nouvelle. Inversement ils peuvent être l’aitu [l’esprit, la divinité] qui continuera à nous détruire en nous aveuglant face à la beauté de ce que nous sommes capables de devenir en tant qu’individus, cultures et nations (8)


Il s’interroge ensuite sur ce que l’on entend par authenticité culturelle. Dans quelle mesure les civilisations « traditionnelles » sont-elles une pure création des colonisateurs ? Peut-on opposer en Polynésie une culture urbaine, prétendument importée de l’étranger et une culture villageoise qui resterait traditionnelle ? Le mode de vie urbain ne serait-il pas qu’une forme d’évolution de nos institutions villageoises ? Albert Wendt insiste sur le fait qu’avant l’arrivée des Européens les sociétés « traditionnelles » ne cessaient déjà d’évoluer, ce qui rend illusoire tout rêve de retour à une authenticité qui n’a jamais existé. « Il n’y a pas eu de Chute, ni de Bons Sauvages bronzés dans un paradis des mers du sud, ni d’âge d’or, sauf dans les films hollywoodiens… » (9)


Ces interrogations se retrouvent sous une forme fictionnelle dans la plupart des écrits d’Albert Wendt. Dans « Tagata, the Man who Searched for the Freedom Tree », la première nouvelle qui paraît en 1963, le héros éponyme  (« Tagata » signifie « homme », « être humain » en samoan) s’efforce de survivre sans trop se préoccuper des règles dans un univers régi par des lois sur lesquelles il n’a guère de prise. Dans un style picaresque Albert Wendt truffe son récit de pidgin où l’anglais mime souvent les structures grammaticales du samoan. Ce texte illustre le souci constant qu’a l’auteur d’inclure une part importante d’oralité dans ses œuvres écrites, reprenant ainsi le rôle du conteur ancien qui a tant influencé ses velléités de créateur dans son enfance. À ce titre sa grand-mère, Mele, qui le fascinait avec les histoires qu’elle lui racontait, a joué un rôle important dans sa vocation d’écrivain. Il tient à rappeler sa mémoire dans « In Heaven », poème publié dans son recueil Shaman of Visions (10) tout en insistant sur sa relation ambivalente avec les convictions religieuses de son aïeule :


Grand-mère est assise aux pieds de Dieu

Que je croie en Dieu ou non (11)


Albert Wendt insiste sur le fait que « pendant toute ma vie d’écrivain, j’ai soumis mes poèmes, mes essais, mes nouvelles et mes romans au jugement critique de ma grand-mère et à son sens de l’oralité. Chaque texte doit sonner juste oralement parlant ». (12)


Son premier roman Sons for the Return Home paraît en 1973. L’intrigue comporte tous les ingrédients du conflit des deux cultures, thème fréquemment traité par les premiers écrivains postcoloniaux. Le héros, un jeune Samoan élevé en Nouvelle-Zélande par des parents immigrés qui rêvent de retourner au pays, tombe amoureux d’une jeune femme papalagi (13) qu’il rencontre à l’université. À mesure que leur relation se développe ils découvrent les préjugés propres à chacune de leurs cultures. Elle considère comme acquis le fait que tout Samoan mâle est un expert en matière de sexe tandis que lui tend à faire porter sur elle les torts infligés par le colonisateur à son peuple. La mère du garçon juge tous les blancs faibles, mal élevés et pervers. Elle ne pense guère mieux des immigrés issus d’autres régions du Pacifique. Tout au long du roman le jeune couple est désigné comme « il » ou « elle » sans jamais qu’il leur soit attribué de nom propre, ce qui renforce leur valeur allégorique. Les pères se montrent plus compréhensifs que la mère samoane qui estime que la compagne de son fils ne pourra jamais s’adapter à Samoa. À l’occasion d’un séjour de camping dans la campagne où les ancêtres de la jeune femme se sont installés ils revivent la dépossession des terres maories et la destruction des sites sacrés anciens qui ont permis aux Pakehas de prospérer, comme l’a fait le père de la jeune femme. Ce dernier a en effet bâti son empire capitalistique sur cette violence primordiale. Poursuivant leur périple le jeune couple parcourt la « desert road » qui traverse un vaste plateau de lave et de poussière situé à l’ombre des grands volcans de l’Île du nord. Ce paysage archétypal fascine le jeune héros tant son mélange de néant et de force de vie primordiale traduit sa vision tragique du monde. Il est déchiré entre son désir de retour au pays natal et sa difficulté à vivre dans une culture qui l’oppresse. Son expérience fait de lui une personnification de Maui, le demi-dieu polynésien aux ambitions démesurées mais qui court à sa perte alors qu’il tente de gagner l’immortalité pour les êtres humains.


Flying-Fox in a Freedom Tree, paru en 1974, rassemble des nouvelles écrites pour la plupart avant Sons for the Return Home mais publiées après pour des raisons de politique éditoriale. Ces « fables modernes » comme les appelle l’auteur par opposition au réalisme du roman se situent dans un univers samoan dominé par un pouvoir religieux qui ne fait qu’un avec l’autorité séculière. Sous prétexte de placer Dieu au-dessus de tout, les riches et les puissants imposent leur domination sur le reste de la population. Ils fusionnent des valeurs protestantes perverties selon lesquelles le succès matériel correspondrait à une bénédiction divine et la structure sociale traditionnelle qui repose sur une hiérarchie très stricte au sommet de laquelle se trouvent les matai, les chefs des aiga (familles au sens étendu du terme). Dans la société moderne, les contre pouvoirs qui permettaient de limiter la domination des matai ont disparu. Il ne reste plus aux héros d’Albert Wendt que la possibilité de se comporter en tricksters ou décepteurs, ces anti-héros qui remettent en cause toutes les conventions et tentent paradoxalement de tirer parti de leur faiblesse initiale. Dans « A Resurrection » Tala (14) ne parvient pas à laver l’honneur de sa famille qui a été souillé lorsqu’un voisin a violé sa sœur. Incapable de respecter le code traditionnel il se réfugie dans la religion chrétienne et devient pasteur. Dans « The Coming of the Whiteman » Peilua, qui est considéré par ses compatriotes comme un étudiant brillant, est, pour des raisons obscures, déporté de Nouvelle-Zélande. Il continue à susciter l’admiration de son entourage grâce aux objets inconnus des siens qu’il a rapportés et qu’il conserve précieusement dans sa valise magique. Il considère ce « trésor » comme « sa vie ». Lorsqu’elle disparaît de sa cachette le monde s’écroule pour lui, sa femme l’abandonne et il devient un parasite, « a whiteman » (15), aux yeux de sa famille qui l’entretenait. 


Dans plusieurs nouvelles de Flying-Fox in a Freedom Tree Wendt poursuit les expérimentations linguistiques déjà présentes dans « Tagata, the Man Who Searched for the Freedom Tree ». Les narrateurs à la première personne de « Virgin-Wise – the Last Confession of Humble Man who is Man got Religion » (16) et de « Captain Full – the Strongest Man Alive who got Allthing Strong Men Got » (17) s’expriment dans une sorte de pidgin mi-sérieux mi-parodique. « Virgin-Wise » débute par une adresse au lecteur : 


Cher lecteur moi pas eu d’école – pas écrire pas lire pas compter pas rien du tout. Mais moi homme avoir rêves très gros moi avoir très gros machin. On me dit moi être bon à rien. Mais moi être un homme. Moi venir d’un petit village lui avoir église donc moi avoir religion (18)


Le monde de Flying-Fox in a Freedom Tree est régi par deux types de valeurs : la culture traditionnelle demeure prégnante même si l’influence d’un christianisme adapté à la mode samoane se révèle dominante. Dans les différentes nouvelles les puissants prennent le prétexte de la religion pour imposer leur autorité. La société traditionnelle est présentée comme très compétitive avec, à la tête de chaque communauté, un matai censé subvenir aux besoins de sa famille étendue. Dans plusieurs des nouvelles de ce recueil la narration est portée par des figures de fils qui refusent la tyrannie exercée par leur père et remettent en question les valeurs qui leur ont été imposées même si cette révolte se révèle généralement autodestructrice. 


Albert Wendt ne se contente pas d’écrire de la fiction. En effet, dès 1961, il commence à publier des poèmes. Sans doute l’un des plus marquants de cette époque, « Inside Us the Dead » est publié dans la revue néo-zélandaise Landfall en septembre 1970. Il deviendra l’œuvre éponyme de son premier recueil poétique qui paraît en 1976 (19). En France les éditions Le Décaèdre publieront d’ailleurs en 2004 sous le titre Au Fond de nous les morts la première édition bilingue (anglais français) de poèmes choisis d’Albert Wendt (20). La pièce éponyme commence par une évocation des ancêtres polynésiens de l’auteur :


Au fond de moi les morts tissés dans ma chair comme la mélodie des flûtes d’os


Remontant le temps viennent ensuite les missionnaires, ces « perceurs de ciel » venus sur « leurs noirs bateaux ailés », puis l’arrière-grand-père allemand, capitaine de navire échoué là :


… il engrangea une nichée

de « métis » avant de fuir

vers le dernier atoll miné par le whisky


Poursuivant sa quête généalogique, il évoque ensuite sa mère disparue trop tôt, qui a joué un rôle déterminant dans son imaginaire d’artiste :


Ma mère, morte depuis

mes douze ans, taille d’araignée.

mes souvenirs d’elle sont des flamboiements

de fleurs éparpillés

sur les cratères d’un champ de lave sous

la lune échafaud…


ses doigts agiles

papillons aux senteurs de lune,

qui pinçaient

ma langue malhabile pour entonner

le cantique ; qui éveillaient

mon esprit, blanc comme le lis araignée,

au premier roucoulement

du pigeon dans le tavai


Il évoque également son fils, Michael, héritier de plusieurs cultures, en lui disant :


Ne me dédaigne pas dans ta beauté

de l’aube, mon fils viking polynésien.

Nous habitons le même cauchemar (21).


Il s’attendrit sur sa fille, Sina, endormie :


Le sang chaud

de soleil comme l’hibiscus ; la peau

douce lait de palme exsude

la sérénité

du sommeil (22).


Souvent très personnels, ses poèmes explorent les sentiments ambivalents de l’auteur, notamment lorsqu’il s’interroge sur son attrait pour le village de son enfance malgré le fait qu’il mène une existence essentiellement urbaine :


Les villages m’attirent

mais je vis dans la ville…


Dans la ville je me protège

des grands silences

qui tombent avec le soir (23).


Albert Wendt a, depuis ses années d’étudiant, été fasciné par la littérature de l’absurde, par Camus et Kafka, qui correspondent à sa vision d’un monde miné par la perte de sens. Le mythe de Sisyphe illustre parfaitement cette perception. À ce titre, les paysages volcaniques de sa patrie d’origine nourrissent son imaginaire tant ils évoquent le néant et pourtant la puissance tellurique d’où jaillit la vie. La vision d’un champ de lave sur l’île de Savaii suscite chez lui une méditation métaphysique :


Ceci fut l’origine

du monde – les dieux de feu

lacérant leurs corps

avec des couteaux de nacre, le sang

jaillissant des plaies de la montagne

coagulé noir et froid, puis le silence

du sépulcre refermé (24)


Dans « Flying-Fox in a Freedom Tree », Tagata revient sur l’opposition entre néant et vie miraculeuse inspirée par la contemplation d’une coulée de lave :


Tu voyages pendant des kilomètres en traversant des forêts et de nombreux villages où les gens ont détruit toute la beauté et puis… Et puis tu y es… comme si tu étais arrivé dans un lieu de paix, là où tous les vilains petits endroits, les mensonges et les monuments que nous édifions pour nous mettre en valeur n’ont plus aucun sens parce que la lave ne peut rien être d’autre que de la lave… Un torrent de lave partout. Mais, à certains endroits, tu vois des petites plantes qui poussent à travers les fentes de la lave comme des histoires drôles qui germeraient dans ton crâne dur comme pierre (25).


Pouliuli, roman publié en 1977, a souvent été décrit comme une version samoane du Roi Lear. Alors qu’il vient juste de s’éveiller, le protagoniste, Faleasa Osovae, soixante-seize ans, chef très respecté de son aiga, découvre que tout ce qui donnait jusqu’alors du sens à son existence provoque chez lui la nausée. Il commence par insulter son entourage, dénonçant l’hypocrisie et l’incompétence de Filemoni, son neveu pasteur, à qui sa famille a fait appel pour chasser le démon qui s’est emparé du patriarche. Il prend la voix de sa mère récemment décédée pour insulter le prêtre en hurlant « touche ton cul béni ! (26) » et en le traitant de pharisien, ce qui provoque la déroute de Filemoni. Faleasa se surprend à jouir de cette renaissance qui lui permet de rejeter tout ce qui fondait son autorité en tant que père providentiel toujours prêt à se sacrifier pour sa communauté. Il se sent enfin libéré de cet ordre absolu qui l’étouffait et qu’il a toujours connu sous la domination de son propre père durant sa jeunesse. Il découvre qu’il peut maintenant choquer son entourage en déclenchant des vomissements à volonté. Il bouscule l’ordre ambiant et le réarrange « en profitant de la liberté chaotique de sa renaissance (27) ». Prétextant qu’il n’est plus capable de diriger son aiga, il manipule le conseil local pour faire nommer son plus jeune fils comme son successeur, au grand dam de son aîné. Mais cette liberté qu’il croit avoir acquise se révèle à double tranchant : alors qu’il continue de feindre la folie, son entourage commence à le négliger et à le critiquer ouvertement comme s’il ne pouvait pas comprendre ce qui lui arrive. Même son fils choisi comme son successeur prend quelque peu ses distances avec lui. « En devenant un homme libre, une nouvelle personne pleine de lucidité, il n’avait plus désormais aucune utilité pour son aiga » (28). Il cherche cependant à profiter de ce qu’il lui reste d’autorité pour dénoncer la corruption et les hypocrisies des hommes de pouvoir dans son entourage en feignant des périodes de folie et d’autres durant lesquelles il a retrouvé tous ses esprits. Sa dernière initiative visant à manipuler les élections au parlement se solde par un succès qui débouche néanmoins sur une tragédie. Le protagoniste qui a retrouvé sa liberté personnelle est confronté une dernière fois à Pouliuli, l’image du néant dans toute sa noirceur.


Les Feuilles du banian (29) constitue sans doute l’œuvre la plus ambitieuse écrite jusqu’alors par Albert Wendt. Sa genèse précède la publication de Sons for the Return Home mais ce texte a fait l’objet de nombreuses réécritures dont chaque stade a pris la forme de petites pièces qui, comme autant d’éléments composant une mosaïque, ont servi de brouillons à cette œuvre majeure. On retrouve ces nouvelles réparties dans Flying-Fox in a Freedom Tree et The Birth and Death of the Miracle Man où figurent certains de ses personnages. Dans Les Feuilles du banian que l’on a parfois appelé le grand roman du Pacifique Wendt retrace le conflit entre les valeurs mercantiles apportées par les papalagi, les colonisateurs blancs, et la culture ancestrale samoane dans une communauté villageoise de la première moitié du vingtième siècle. Cette société aux principes rigides est dominée par les hommes, qui n’hésitent pas à affirmer leur autorité sur les femmes et les enfants en recourant à des moyens parfois violents. À la différence de la vision biaisée longtemps popularisée par Margaret Mead, dont Albert Wendt dénonce la naïveté, la société polynésienne telle qu’elle apparaît ici est loin d’être idyllique, hédoniste et faite de douceur. Les jeunes et les femmes n’ont guère leur mot à dire et passent toujours après les anciens. Toute infraction à cette règle est immédiatement sanctionnée souvent avec brutalité. Chacun doit rester strictement à sa place. Le village de Sapepe est gouverné par un conseil d’hommes titrés qui décide des grandes orientations à donner pour gérer les relations humaines. Dans une telle organisation l’art oratoire joue un rôle déterminant et les conflits de pouvoir se règlent lors d’assemblées au cours desquelles les discours prennent fréquemment prétexte de règles traditionnelles pour masquer les rivalités individuelles. Dès le départ, Tauilopepe, qui se demande toujours s’il a bénéficié de l’amour de son père, affiche son ambition de devenir un capitaliste capable de rivaliser avec le puissant Malo. Ce dernier, rattrapé par l’âge, a complètement adopté les valeurs occidentales et maintient l’ensemble du village sous sa coupe dans la mesure où tous lui doivent de l’argent. Tauilopepe se sert de Moa, la jeune femme de Malo qui, frustrée sexuellement, a recours aux services de Tauilopepe et, en échange, lui offre un crédit illimité dans le magasin de son époux. Tauilopepe a déçu ses parents, qui espéraient qu’il les honorerait en devenant pasteur, lorsqu’il se fait exclure du séminaire pour une raison encore obscure. Ce personnage complexe cherche passionnément à compenser ce qu’il perçoit comme un échec personnel en accumulant pouvoir et richesse. Toasa, un vieil homme attaché aux valeurs traditionnelles, était le fidèle ami du père de Tauilopepe et, à ce titre, il pardonne presque tout à son fils même s’il ne partage pas son cynisme. Grâce à son influence, Toasa parvient cependant à convaincre le conseil des anciens d’attribuer à Tauilopepe une immense parcelle de forêt encore inexploitée que convoite également Malo. Obsédé par la réussite matérielle Tauilopepe parvient à faire défricher la plantation qui prendra le nom de « feuilles du banian » en raison d’un énorme arbre séculaire qui, resté seul après un abattage sauvage,  plante ses racines multiples dans le sol de cette terre jadis vierge. 


Cliché ; J.P. Durix
Cliché ; J.P. Durix

Dès le départ on perçoit une différence fondamentale entre le vieux Toasa, attaché aux mythes anciens, à ce qu’on appellerait aujourd’hui l’écologie, et Tauilopepe qui ne voit là qu’un moyen d’accroître sa prospérité et son influence. Tout athée qu’il est, il n’hésite cependant pas à accepter de devenir diacre pour satisfaire les désirs de sa mère très pieuse et parce que la religion chrétienne est devenue un pilier fondamental de la réussite sociale. Il prépare ainsi son premier sermon qu’il intitule « Dieu, l’argent et la réussite », développant l’idée que tout succès dans les affaires implique une sanction accordée par un dieu qui réserve ses bienfaits matériels aux élus. Aux yeux de la société, la richesse devient ainsi un signe de vertu. 


Le Livre deux de ce roman qui en comporte trois s’ouvre sur la révélation que le narrateur implicite est Pepe, le fils de Tauilopepe, qui s’est révolté contre son père. Après un Livre premier conforme aux conventions du roman traditionnel avec des accents presque dickensiens, le ton du récit passe brusquement à une narration à la première personne dans une langue qui vire souvent à un pidgin presque parodique. Ce Livre deux dans lequel l’oralité joue un rôle déterminant, reprend en la développant la nouvelle éponyme du recueil Flying Fox in a Freedom Tree. Ce Livre débute alors que Pepe gît, à l’article de la mort, sur un sordide lit d’hôpital en proie « au ver de la tuberculose ». Le récit raconté du point de vue de Pepe alterne entre plusieurs styles, « le style anglais », « le style de la Vaipe », une sorte de pidgin, et « mon style », une tentative de synthèse entre ces différentes voix. On apprend que Pepe, une fois installé en ville, fréquente les pires marginaux. Il devient ami de Tagata, dont le père règne sur le grand marché. Ensemble ils abusent de la crédulité des touristes, mettent le feu au temple protestant et dévalisent le magasin de Tauilopepe, ce qui conduit à l’arrestation de Pepe et à son procès qui constitue une humiliation extrême pour son père. En effet Pepe, bien loin de faire preuve de remords, en profite pour vilipender la corruption des hommes d’église et l’appétit immodéré de son père pour la richesse et le pouvoir qu’elle lui procure. Le troisième Livre qui commence après le décès de Pepe se termine sur un coup de théâtre alors que Tauilopepe croit avoir enfin trouvé un héritier à sa mesure. Mais les personnages de « tricksters » souvent déterminants dans l’œuvre d’Albert Wendt, viennent toujours bousculer l’ordre d’une société devenue rigide et corrompue par des valeurs incompatibles avec la société traditionnelle. L’univers de ce roman retrace la perte progressive d’influence des anciens, incarnés ici par Toasa, le vieux chef imaginatif et roué mais impuissant face au matérialisme du monde moderne. 


Après cette œuvre monumentale Wendt poursuit son exploration à travers des créations de plus en plus personnelles et expérimentales, comme on le voit dans ses poèmes rassemblés sous le titre Shaman of Visions (1984) et dans son recueil de nouvelles The Birth and Death of the Miracle Man (1986). Le poème « Shaman of Visions » s’appuie sur le mythe samoan des origines qu’il relie intimement à la création littéraire :


Chaman visionnaire, les mots recèlent le silence

avant que Tagaloaalagi crée l’aube de la solitude.

Nous nous mesurons face à nos mots (30).


La fin des années 80 et le début de la décennie suivante correspondent à un changement de ton dans les œuvres d’Albert Wendt ; le réalisme se teinte de fantastique notamment dans la nouvelle intitulée « I Will Be Our Saviour from the Bad Smell » qui figure dans le recueil The Birth and Death of the Miracle Man (31). Ce volume réunit des œuvres diverses, certaines d’entre elles comme « Birthdays » contiennent des éléments autobiographiques évidents. Il y est fait mention notamment de l’amitié nouée entre l’auteur et James K. Baxter, le poète néo-zélandais épris de métaphysique, de retour à la nature et le fondateur d’une contre-culture qui a beaucoup influencé les intellectuels néo-zélandais à partir des années 50. « Birthdays » se termine sur une lettre adressée à Mele, le nom de la seconde fille d’Albert Wendt, à l’occasion de son anniversaire. Les deux autres enfants de l’auteur figurent également dans cette missive :


…Quand Sina et Michael te tourmentent en rappelant que de toute évidence je n’ai pas écrit de poème pour toi ou sur toi, tes yeux me fusillent en m’accusant de ne pas t’aimer. Ce dont tu ne te rends pas compte c’est que les poèmes ne viennent pas tout seuls ; ils ne poussent pas dans mes cheveux ou au sein de ma cage thoracique ; il faut les pêcher en les tirant du vide comme de rares mélodies ou comme des messages presque indéchiffrables venus du lointain espace (32).


Avec Ola, le roman suivant publié en 1991, Wendt enrichit son imaginaire en privilégiant des récits dans lesquels la narration ne suit plus une séquence essentiellement linéaire. Des parcelles d’histoires, notamment quelques nouvelles publiées dans The Life and Death of the Miracle Man sont insérées dans la trame principale. C’est ainsi qu’on retrouve dans le roman au chapitre 50 l’histoire de « Crocodile », l’institutrice emblématique qui veillait sur les pensionnaires dans l’école d’Ola en Nouvelle-Zélande. Différentes micro intrigues s’entremêlent dans ce récit qui se présente dès l’avant-propos comme métafictionnel : Le narrateur prétend avoir trouvé déposé sur le pas de sa porte par une inconnue dénommée Olamaileoti Farou Monroe trois cartons contenant des écrits, des documents divers et des notes rédigées par elle. Elle dit espérer que l’écrivain qui les trouvera et qu’elle admire pourra en tirer profit pour écrire un roman. Celle dont le nom signifie « vie » en samoan suggère que « lorsque vous aurez redonné forme au contenu désordonné de mes trois cartons, j’espère lire/trouver le sens de ma vie que j’ai gâchée » (33). Ce roman est aussi le premier dans lequel Albert Wendt privilégie une voix narrative essentiellement féminine. L’intrigue tourne autour de la relation entre Ola, une Samoane qui s’est révoltée contre les contraintes de sa société d’origine, et son père, un très respectable chef de famille attaché aux valeurs religieuses et sociales de son pays. Ola, devenue athée, individualiste, qui boit de l’alcool et connaît de multiples aventures, décide néanmoins d’emmener son père visiter la Terre Sainte et découvrir ainsi tous les lieux mentionnés dans les évangiles. Dans son livre autobiographique intitulé Out of the Vaipe, the Dead Water, A Writer’s Early Life, Wendt insiste sur l’importance qu’avait dans sa génération et celle de son père une bonne connaissance de la géographique de la Terre Sainte. Davantage que la géographie du Pacifique, une telle culture garantissait que l’on était un bon chrétien. Ce périple permet au vieil homme de nuancer sa vision des Juifs qui, selon l’interprétation enseignée par les pasteurs protestants à Samoa, sont à jamais coupables d’avoir crucifié le Christ. Au fil de ce voyage, la réserve prudente qui régissait traditionnellement les rapports entre un père et sa fille à Samoa cède la place à une complicité naissante et à des confidences  peu concevables dans leur environnement habituel. Ola présente de nombreuses similitudes avec Albert Wendt : elle a perdu sa mère à la naissance. La mère de l’auteur est décédée quand il était à peine adolescent. Ola, comme Wendt, a été envoyée en pension en Nouvelle-Zélande en bénéficiant d’une bourse. Gill, sa meilleure amie en pension, a ensuite « réussi », aux yeux de son entourage, en épousant un Pakeha qui, lorsqu’il découvre que sa femme a du sang maori, s’efforce de le lui faire oublier. Cependant Shona, sa fille, passe outre aux injonctions de son père et renoue avec sa famille maorie lors d’un voyage initiatique dans le nord de l’île du nord. Ola a connu une enfance durant laquelle on lui a appris qu’une fille ne doit pas jurer ni avoir de conversations à connotations sexuelles, ce qu’elle s’empressera rapidement d’oublier, elle qui s’adonne volontiers aux plaisirs de la chair. Il faudra qu’Ola soit contrainte de veiller sur son père mourant de retour à Samoa pour qu’elle puisse trouver une forme de réconciliation entre ses velléités d’indépendance et les valeurs traditionnelles si chères à son père. 


Black Rainbow (1992) emprunte son titre à une lithographie réalisée par Ralph Hotere, un artiste maori qui prend pour sujet les explosions nucléaires françaises dans le Pacifique. 


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Ce roman qui contraste avec les œuvres précédentes d’Albert Wendt débute comme une histoire de couple conventionnelle dans laquelle le mari peu sportif s’efforce de suivre son épouse qui insiste pour gravir ce que les Pakehas appellent One Tree Hill, un cône volcanique au beau milieu d’Auckland. Mais rapidement la narration cède la place à un thriller qui se déroule dans un univers dystopique à la Orwell. Dans ce contexte, un tribunal présidé par un être qui jouit d’un pouvoir absolu prétend faire le bonheur de tous les citoyens en les préservant des aléas de l’histoire qu’il élimine complètement de leur vision du monde. Cet effacement de l’histoire rappelle évidemment la manière dont les colonisateurs européens ont tenté d’occulter le passé maori en imposant un récit façonné par les vainqueurs. Le personnage principal du roman se lance dans une quête visant à retrouver son épouse et ses trois enfants qui sont vraisemblablement entre les mains du « Tribunal ». Tour à tour manipulé et rebelle, il s’engage dans un « road trip » fantastique qui l’amène à parcourir différents lieux emblématiques de l’Île du Nord et à affronter une série d’épreuves toujours plus invraisemblables jusqu’à atteindre son but ultime qui se révèle très ambigu. Ce roman souvent truculent, dont les rebondissements nombreux rappellent parfois les films hollywoodiens si chers à leur auteur dans sa jeunesse, mêle réalisme, métafiction et postmodernisme tout en développant des thèmes éminemment postcoloniaux tels que l’identité multiple et les racines réelles ou inventées mais souvent niées. 


Avec le recueil de poèmes intitulé Photographs (34), Albert Wendt prend pour sujets des personnes de son entourage, qu’il s’agisse de Reina, sa compagne, ou de ses enfants. « In Your Enigma » est une superbe déclaration d’amour à Reina Whaitiri :


Tu te drapes dans ton énigme

Tu ondoies comme la brume entre des mots

qui décrivent l’eau

Tu plantes des signes

Tu t’inventes à travers des syllabes

de lueur nocturne et d’hiver qui vire

au printemps sur les épaules de Maungawhau (35)


Albert Wendt et Reina Whaitiri s’apprêtent à goûter aux escargots. Dijon, juillet  2013 - Cliché : J.P. Durix
Albert Wendt et Reina Whaitiri s’apprêtent à goûter aux escargots. Dijon, juillet  2013 - Cliché : J.P. Durix

Photographs contient aussi une première mouture de l’ambitieux roman en vers libres qu’Albert Wendt publie en 2009 sous le titre The Adventures of Vela.


Albert Wendt est également dramaturge ; sa pièce intitulée The Songmaker’s Chair (36) est jouée pour la première fois dans une salle bondée au Maidment Theatre d’Auckland en 2003 mais le script était déjà terminé depuis 1996. Elle connaît une nouvelle mise en scène au Kumu Kahua Theatre à Honolulu en 2006. L’intrigue retrace les conflits à l’intérieur d’une famille samoane immigrée en Nouvelle-Zélande qui tente de concilier leur culture ancienne et les dures réalités de leur existence au contact d’un monde Pakeha dans lequel ils peinent à trouver leur place pour eux et leurs enfants.


Le Baiser de la mangue (37) renoue superbement avec le roman historique, un genre qu’Albert Wendt a déjà exploré avec succès en écrivant Les Feuilles du banian. L’auteur se livre souvent à des galops d’essai avant de livrer un roman achevé. Ainsi une œuvre plus développée prend sa source dans de plus petits récits d’abord publiés en tant que nouvelles. C’est le cas ici avec « Prospecting » dont la première version paraît dans Echos du Commonwealth (38) N° 8 en 1983. La nouvelle est reprise dans The Birth and Death of the Miracle Man en 1986 avant de constituer le chapitre 5 (« La Chasse au trésor ») du Baiser de la Mangue. Ce roman retrace l’existence d’une communauté villageoise à Satoa dans l’île de Savai’i à Samoa depuis les deux dernières décennies du XIXe siècle jusqu’au milieu du siècle suivant. Le Livre deux se situe lors de la grande épidémie de grippe espagnole qui décime une population complètement désemparée face à ce fléau inconnu. Le personnage principal, une jeune femme nommée Peleiupu (littéralement « bien-aimée grâce aux mots »), assiste, impuissante, à l’agonie de son petit frère de trois ans. Son père, Mautu, est devenu le pasteur de son village après que son prédécesseur a succombé à ce qu’on appelle « la maladie de Satoa ». Lalaga, son épouse, le convainc d’oublier ses convictions religieuses et de faire appel à un guérisseur traditionnel, corporation que Mautu considère comme une émanation du diable. Malgré tout l’état de Iakopo empire. Après avoir délicatement caressé le visage du petit mourant, Peleiupu « lui pinça les narines et serra longuement, sans relâcher sa pression, sans aucune appréhension. Les pulsations se ralentirent tandis qu’elle maintenait ses narines fermées./Mon frère, mon frère bien-aimé. » (pp. 25-26). 


Le village compte un commerce tenu par Barker, le seul Européen de la communauté qui, même s’il est très ami avec Mautu, refuse obstinément d’aller à l’église et se déclare résolument athée. Deux éthiques cohabitent, d’abord pacifiquement, mais l’une va bientôt entraîner l’autre à sa perte. Barker, qui a pris pour épouse, Poto, une Samoane, introduit une logique commerciale dans le village : il exploite le copra qu’il revend à Apia dans un but d’exportation. Dans la nouvelle « Prospecting », il organise le village pour aller chercher de l’or dans les hauteurs mais n’exhume finalement que les os d’anciens ancêtres polynésiens, ce qui transforme sa quête de richesse en une réflexion sur les origines et l’identité. Au contact de Barker, Peleiupu, qui apprend l’anglais et la lecture, devient l’institutrice attitrée du village. Elle est fascinée par les récits fantastiques de Barker qui lui raconte ses aventures sur les différents océans du globe et ses prétendues origines nobles en Angleterre. Cette évolution éloigne progressivement Peleiupu des valeurs incarnées par ses parents qui admirent néanmoins l’intelligence de leur fille tout en craignant qu’elle trahisse leur culture. Fidèles à la tradition, Mautu et Lalaga projettent de marier leur fille à un jeune pasteur prometteur. Cependant Peleiupu décide de quitter son île secrètement pour aller épouser Tavita, le fils de Barker, dont elle est amoureuse. Ses parents subissent un double déchirement lorsque leur fils, Arona, décide de s’engager sur un bateau comme marin et ne donne plus aucune nouvelle de lui jusqu’aux douloureuses retrouvailles avec Peleiupu des années plus tard. Entre-temps Tavita prospère dans le commerce et prend une place de plus en plus importante dans la bourgeoisie samoane, contribuant à la prospérité de son village d’origine mais aux dépens des relations d’entraide mutuelle qui caractérisaient la culture traditionnelle. Le dernier chapitre plein de violence se termine sur la perspective d’un avenir incertain pour les personnages et le monde de Satoa. 


En 2004 Albert Wendt part à l’Université de Hawaii enseigner le « creative writing » pendant quatre ans. Durant cette période très fructueuse et très heureuse pour lui il écrit et peint en s’inspirant des artistes néo-zélandais qu’il apprécie comme Ralph Hotere et Colin McCahon, qui superposait souvent sur ses tableaux semi abstraits des textes calligraphiés. Depuis la terrasse de son appartement sur le campus de Manoa, Albert Wendt passe de longs moments à dessiner et à peindre les montagnes qui encerclent la vallée et qui ont inspiré son poème « The Ko’olau » dans son recueil From Manoa to a Ponsonby Garden :


Depuis notre emménagement à Manoa je n’ai jamais voulu échapper

aux Ko’olau tout en haut de la vallée

Ils se dressent aussi hauts que les atua aussi profonds que leurs corps

Ils sont ici depuis que l’hameçon de Pele a pêché ces îles fécondes

dans Son feu et leur a fait don des chants

de naissance et de lamentation (39)


Dans le même recueil un autre poème dédié à Reina évoque les trajets quotidiens de l’appartement à l’université alors que l’auteur suit sa compagne :


Je marche à sa suite 

presque chaque matin et chaque après-midi

dans la vallée de Manoa

depuis chez nous et en revenant du travail

dans son sillage à l’abri du vent et de l’avenir

je marche dans le parfum qui change jour après jour

le matin le dos tourné aux Ko’olau

l’après-midi tout droit vers les dernières lueurs qui se glissent

derrière les montagne pour disparaître à l’ouest (40)


Le tableau ci-dessous, peint à l’acrylique en noir et blanc avec une légende couleur argent, est inspiré par la chaîne de montagnes qui encadre le campus de Manoa à Honolulu.


Albert Wendt « Ko’olau », acrylique sur toile, 2005. Collection privée.
Albert Wendt « Ko’olau », acrylique sur toile, 2005. Collection privée.

En 2009 paraît The Adventures of Vela, son ambitieux roman en vers, un genre qui vise à intégrer intimement la tradition orale si chère à l’auteur, lorsqu’il évoque sa grand-mère Mele, une conteuse hors pair. Avec elle il a appris « qu’une histoire n’est ‘vraie’ que si, en la racontant, on peut persuader ceux qui l’écoutent qu’elle est vraie » (41). L’auteur ne se contente pas de retracer le mythe des origines et la généalogie de son personnage principal. Le ton est délibérément paillard, irrévérencieux et empreint d’autodérision comme pour mieux se différencier du politiquement correct traditionnel à Samoa. Comme le dit Vela, « Nous n’héritons pas du passé/mais d’une recréation de notre souvenir. » (42) Ce tour de force qui a valu à son auteur de recevoir le Commonwealth Writers’ Prize pour la région Asie Pacifique était en gestation depuis les années 1970. Le narrateur n’est que le chroniqueur au second degré d’une histoire rapportée par un certain Vela, personnage à l’article de la mort sur son lit d’hôpital, qui confie au narrateur la mission de raconter ce qu’il a vécu. En samoan « vela » signifie « cuit », une référence au fait qu’à sa naissance il était tout rouge, un détail qui s’accorde bien avec son statut d’anti-héros. Dans le récit alternent constamment des épisodes durant lesquels sont évoqués les grands mythes de création du monde, les hauts faits de la déesse Nafanua et d’autres anecdotes beaucoup plus terre à terre et sexuellement explicites. L’évocation des grands mythes samoans s’accompagne généralement d’éléments qui les ramènent régulièrement au niveau le plus trivial. Le recours au sacré, qui joue un rôle primordial dans le récit, n’est jamais dénué d’autodérision. Certains chapitres entraînent le lecteur dans des univers utopiques comme « Olfact » où tous les êtres ne perçoivent leur entourage qu’à travers des perceptions olfactives. Le tour de force réalisé par Albert Wendt vient du fait que ce roman est écrit entièrement en vers, généralement en une succession de strophes de six vers non rimés. 


Albert Wendt, Honolulu janvier 2008 - Cliché : J.P. Durix
Albert Wendt, Honolulu janvier 2008 - Cliché : J.P. Durix

Ancestry (43) rassemble des nouvelles dans lesquelles l’auteur aborde plus en profondeur les problèmes rencontrés par les minorités polynésiennes installées en Nouvelle-Zélande tout en ne négligeant pas des préoccupations plus intimes. Dans « Robocop in Long Bay » et « Neighbours » apparaissent les conflits entre une ancienne génération d’immigrés et leurs enfants qui leur reprochent soit d’être trop attachés à leur culture religieuse d’origine soit de vouloir si bien s’intégrer en Nouvelle-Zélande qu’ils en occultent les fondements. Plusieurs nouvelles traitent de la conduite suicidaire de jeunes issus de l’immigration tentés par des comportements déviants. Dans « First Visit », l’épouse palagi d’un Samoan tente désespérément de se comporter comme les femmes du village originaire de son mari, ce qui cause une tension à l’intérieur du couple. Dans « Fast » un jeune d’origine polynésienne devient l’ami d’un architecte palagi beaucoup plus âgé qui a décidé de reprendre des études universitaires de lettres. Plusieurs nouvelles, notamment « First Class » et « Hawai’i » sont inspirées directement par l’expérience d’Albert Wendt à l’Université de Manoa.


Les Ko’olau - Cliché : J.P. Durix
Les Ko’olau - Cliché : J.P. Durix

Daniel, le personnage principal du roman Ces Liens que l’on brise (44) est fortement inspiré par le personnage de l’auteur qui a été invité comme lui pour un séjour de professeur de « creative writing » à l’Université de Hawaii. Le premier chapitre s’ouvre sur une vision de la chaîne des Ko’olau et mêle dès le départ récit fictionnel quasi autobiographique et écriture poétique alors que Daniel, le personnage principal « … contempl[e] le soleil qui glisse vers le bas sur les contreforts boisés, sur les pentes, avant d’envahir le fond de vallée maintenant couvert de maisons et d’appartements cossus, puis qui pénètre ses yeux, sa tête et, l’illuminant de sa chaleur, l’aide à achever ce poème sur lequel il a travaillé ces dernières semaines et qui parle de ces montagnes, de cette vallée :


…Les Ko’olau observèrent les premiers humains qui s’installèrent dans cette vallée

Les Kanaka Maoli (45) plantèrent leur ancêtre le kalo (46)

dans la boue du ruisseau, dans les marécages

et plus tard dans les lo’i (47) en terrasses qu’ils édifièrent

Leurs ancêtres se nourrirent du sang noir de la vallée

Ils se nourrirent de l’ancêtre

Et prospérèrent pendant des générations… » (48)


Daniel émerge à peine d’un cauchemar récurrent lié à sa rupture avec sa femme Laura qui, dans le rêve, le menace avec un pistolet chargé. Cette expérience d’une « mort hebdomadaire » lui rappelle paradoxalement que « lorsque tu vis sur le fil du rasoir en suivant la ligne infime qui sépare la vie de la mort, tu perçois d’autant mieux à quel point tu ne peux te passer de la douce sensation d’être en vie. (49) » Comme l’auteur, Daniel avait épousé une pakeha. Ce personnage dont l’histoire rappelle fortement l’héroïne de la nouvelle « Friendship » dans Ancestry est devenue avocate tandis que leur amie Mere a accédé à la magistrature. 


Peu de temps après ce cauchemar un appel téléphonique le rappelle brutalement à la réalité lorsqu’il décroche pour apprendre d’un inconnu la mort violente d’Aaron, son ami d’enfance, qui a souhaité que Daniel organise ses funérailles. À partir de cette nouvelle Daniel revit son enfance et son adolescence dans un quartier défavorisé d’Auckland où la pauvreté et la violence, y compris sexuelle, règne. Mais il se rappelle également son institutrice qui, dans un milieu difficile mais multiculturel, a su lui inculquer l’amour de la littérature. Daniel est issu d’une famille d’origine samoane qui a émigré à Auckland. Avec son groupe d’amis d’enfance, ils forment une sorte de tribu urbaine qui a gardé son sens de la solidarité et de l’entraide mutuelle jusque dans l’âge adulte. Aaron a grandi dans un milieu familial conflictuel et s’est distingué dès le départ par sa propension à chaparder dans les magasins et à s’adonner à des activités sexuelles parfois violentes. Il a toujours fait profiter les membres de sa « tribu » de ses larcins qu’ils ont acceptés sans se poser de questions. Il est devenu ainsi le pivot de leur groupe. En grandissant, Aaron a fait des études qui l’ont mené jusqu’à un master de chimie, grâce auquel il a su rapidement transformer des produits illicites et se livrer à un trafic qui lui a permis de se constituer un capital considérable. Ses amis réussissent dans des domaines très divers : plusieurs étudient le droit et deviennent avocats. L’une d’elles, Mere, accède à la magistrature. Tous ont conscience des activités de trafiquant d’Aaron mais aucun ne brise le lien d’amitié qui les unit depuis leur enfance. Ils ferment les yeux sur l’origine des cadeaux multiples que leur offre Aaron et qui leur permet de mener grand train. 


La nouvelle du décès violent d’Aaron survenu dans des conditions mystérieuses arrache Daniel à son existence de séducteur aux multiples conquêtes féminines et le conduit à rentrer en Nouvelle-Zélande pour mettre en œuvre les termes du testament laissé par le défunt. Cependant la nécessité de respecter ses dernières volontés menace de faire voler en éclats leur belle amitié. Tous sont tiraillés entre leur statut social chèrement gagné et leur désir de ne pas renier le lien qui les relie depuis leur enfance à leur bienfaiteur. Ce qui peut s’apparenter à un thriller traite finement de notions aussi essentielles que l’amour, l’amitié et la loyauté qui s’incarnent dans des personnages en proie à leurs propres contradictions. 


Le recueil intitulé From Manoa to a Ponsonby Garden (50) rassemble des poèmes au contenu largement autobiographique qui évoquent le séjour d’Albert Wendt à Hawaii et son existence actuelle d’écrivain retiré à Ponsonby, un quartier résidentiel d’Auckland. Dans « The Ko’olau » il revient sur le paysage des montagnes qui l’a tant fasciné lorsqu’il résidait sur le campus de Manoa. Tentant de fixer les humeurs de ces figures tutélaires sur du papier à dessin, il en vient à évoquer les autres sommets qui ont tant compté dans sa vie, d’abord le mont Vaea à Samoa, puis le mont Taranaki près de son pensionnat en Nouvelle-Zélande :


Le Ko’oalau a vu tout cela

Moi aussi je partirai finalement

avec mes montagnes enveloppées

dans des dessins sur papier non acide qui

chantent ces glorieuses montagnes

et les premiers Kanaka Maoli (51) qui les ont nommées

et les ont aimées pour toujours (52)


Une part importante de ce volume est consacrée à son jardin amoureusement entretenu par Reina et qui constitue le domaine de leur chat, le bien nommé Manoa. Pourtant l’ombre de la mort plane sur cet univers si paisible. Plusieurs poèmes sont dédiés à des amis disparus tels que les universitaires Terry Sturm et Ron Crocombe ou Alistair Te Ariki Campbell, l’écrivain le plus connu originaire des îles Cook. Plusieurs poèmes sont consacrés au tsunami qui a ravagé Samoa en 2009. De nombreuses pièces de cet ensemble évoquent une petite scène de ce milieu intime où l’on retrouve les différents membres de la famille de l’auteur ainsi que ceux de sa compagne. 


Le début des années 2000 constitue sans doute la période la plus prolifique dans l’œuvre artistique d’Albert Wendt. La variété des moyens d’expression et des genres littéraires utilisés constitue un exemple unique parmi tous les créateurs du Pacifique sud. Non content de poursuivre sa propre carrière, il continue de promouvoir d’autres poètes de sa région du monde en éditant avec Reina Whaitiri et Robert Sullivan l’anthologie intitulée Whetu Moana : Contemporary Polynesian Poems in English (53).


Albert Wendt au salon du livre de Pape’ete 2009
Albert Wendt au salon du livre de Pape’ete 2009

Dans son volume autobiographique Out of the Vaipe, the Deadwater : A Writer’s Early Life paru en 2015, Albert Wendt évoque ce quartier de la Vaipe à Apia où il a grandi avant de partir en pension en Nouvelle-Zélande et de subir, deux ans après, le traumatisme causé par le décès de sa mère. Dans ce récit consacré aux années d’enfance, l’auteur insiste sur sa généalogie essentiellement samoane mais qui comporte aussi un ancêtre allemand, ce qui, à Samoa, lui confère le statut peu enviable d’« afakasi » (métis) avec toutefois l’avantage que son nom « Wendt » lui permet d’intégrer l’école réservée aux cadres européens. Il insiste dès le premier chapitre intitulé « An Unreliable Story ? » (54) sur la subjectivité de ce récit raconté du point de vue d’un homme de 75 ans « dont le corps est en voie de désintégration, un socialiste à l’ancienne qui a contemplé avec colère et désenchantement le démantèlement de l’état providence pendant ces dernières décennies ; un grand-père qui n’a pas été un très bon père et qui, maintenant qu’il blanchit, souffre d’arthrose et devient bionique, veut être aimé, pardonné et adoré par ses enfants et ses mokopuna. » (55) Ce retour aux traumatismes qui ont façonné l’individu qu’il est devenu reprend sur un plan personnel les paradoxes qu’il a superbement incarnés à travers ses créations romanesques et poétiques.


1 - « … we are what we remember or want to remember, the rope that stretches across the abyss of all that we’ve forgotten », Albert Wendt, Out of the Vaipe, the Deadwater, A Writer’s Early Life, Bridget Williams Books (Wellington, 2015), p. 21. Traduction : Jean-Pierre Durix.

2 - Traduit en français par Jean-Pierre Durix sous le même titre, Belfond (Paris, 1988).

3 - Terme maori désignant les personnes d’origine européenne.

4 - Mutuwhenua. The Moon Sleeps, traduit en français par Jean Anderson et France Grenaudier-Klijn, Au Vent des îles (Tahiti, 2012).

5 - Potiki, traduit en français par Jean Anderson et Marie-Laure Vuaille-Barcan, Au Vent des îles (Tahiti, 2021).

6 - Auckland University Press (Auckland, 1995).

7 - « One human being’s reality is another’s fiction. Perhaps we ourselves exist only in one another’s dreams. » (Mana, Vol. 1, N° 1, Fidji, 1976, p. 50). Traduction : J.P. Durix.

8 - « Our dead are woven into our souls like the hypnotic music of bone flutes: we can never escape them. If we let them they can help illuminate us to ourselves and to one another. They can be the source of new-found pride, self-respect, and wisdom. Conversely they can be the aitu that will continue to destroy us by blinding us to the beauty we are so capable of becoming as individuals, cultures, nations. » (Ibid.)

9 - « There was no Fall, no sun-tanned Noble Savages existing in South-Seas paradises... » (Mana, Vol. 1, N° 1, Fidji, 1976, p. 52-53). Traduction : J.P. Durix.

10 - Auckland/Oxford University Press (Auckland, 1984).

11 - « Grandmother is sitting at God’s feet/whether I believe in God or not », Shaman of Visions, Auckland University Press (Auckland, 1984). Traduction : J.P. Durix.

12 - « All my writing life I’ve submitted my poems, essays, stories, novels to my grandmother’s critical judgement and orality. Each piece must work for me orally ». Albert Wendt, Out of the Vaipe, the Deadwater. A Writer’s Early Life, p. 55. Traduction : J.P. Durix.

13 - « Papalagi » ou « palagi » : en samoan personne d’origine européenne.

14 - Son nom signifie « conte », « histoire » en samoan.

15 - « un homme blanc ».

16 - Littéralement « Sage pucelle – L’ultime confession d’homme humble qui lui avoir religion ».

17 - Littéralement « Capitaine Plein – l’homme le plus costaud lui avoir tout ce qu’un homme fort a ».

18 - « Dear Reader I had no school – no write no read no number no nothing. But I am a man got big dream, got big everything. They tell me I no good for anything. But I am a man still. I come from small village got church so I religion got. », Flying-Fox in a Freedom Tree, Longman Paul (Auckland, 1974), p. 145. Traduction : J.P. Durix.

19 - Inside Us the Dead, Longman Paul (Auckland 1976).

20 - Au Fond de nous les morts, Le Décaèdre (58150 Suilly-la-Tour, 2004). Préface de Carole Froude-Durix. Traduction : Jean-Pierre Durix.

21 - « Pour mon fils, dixième anniversaire de l’indépendance nationale », dans Au Fond de nous les morts.

22 - « Pour Sina », dans Au Fond de nous les morts.

23 - « Ville et Village », dans Au Fond de nous les morts.

24 - « Champ de lave et route, Savaii », dans Au Fond de nous les morts.

25 - « You travel for miles through forest and so many villages where the people have ruined the beauty… and then… and then it is there… Like you are there where the peace lies, where all the dirty little places and lies and monuments we make to ourselves mean nothing because lava can be nothing else but lava… A flood of lava everywhere. But in some places you see small plants growing through the cracks in the lava, like funny stories breaking through your stony mind. » Flying-Fox in a Freedom Tree, p. 132. Traduit par J.P. Durix.

26 - « Touch your holy arse » (Pouliuli, Longman Paul [Auckland, 1977], p. 5. Traduction : J.P. Durix.

27 - « Rearranging everything according to the chaotic freedom of his rebirth », Pouliuli, p. 7. Traduction : J.P. Durix.

28 - « ... in becoming a free man, a new person who saw lucidly. But he had also made himself utterly unnecessary to his aiga » (Pouliuli, p. 94). Traduction : J.P. Durix.

29 - Leaves of the Banyan Tree, Longman Paul (Auckland, 1979). Traduit en français par Jean-Pierre Durix sous le titre Les Feuilles du banian, Au Vent des Îles (Tahiti, 2008).

30 - « Shaman of visions, in words is the silence/before Tagaloaalagi created the dawn of solitude/We measure ourselves against our words », Shaman of Visions, Auckland University Press (Auckland, 1984), p. 59. Traduction : J.P. Durix. N.B. : Tagaloaalagi était le dieu suprême à Samoa.

31 - Viking (Auckland, 1987).

32 - « And when Sina and Michael torment you with the obvious fact I’ve not written a poem for you or about you, your blazing eyes accuse me of not loving you. What you don’t realize is that poems are hard to come by ; they don’t grow in my hair or inside my rib-cage ; they have to be fished out of the void like rare tunes or almost indecipherable messages from outer space », The Birth and Death of the Miracle Man, p. 130. Traduction : J.P. Durix.

33 - « Out of your reshaping of the jumbled contents of my three cartons I hope to read/find a meaning to my wasted life », Ola, p. 7. Traduction : J.P. Durix.

34 - Auckland University Press (Auckland, 1995).

35 - « You are dressed in your enigma/You shift like mist across words/that describe water/You plant signs/You invent yourself in syllables/of nightlight and winter turning/to spring on Maungawhau’s shoulders », p. 6. Traduction : J.P. Durix.

36 - Huia, Wellington, 2004.

37 - Édition originale : The Mango’s Kiss, Random House (Auckland, 2003). Traduction française de J.P. Durix, Au Vent des îles (Tahiti, 2006).

38 - Publié par la Société d’Etude des Pays du Commonwealth (SEPC), Dijon.

39 - « Since we moved into Manoa I’ve not wanted to escape/the Ko’olau at the head of the valley/They rise as high as atua as profound as their bodies/They’ve been here since Pele fished these fecund islands/out of Her fire and gifted them the songs/of birth and lamentation », Albert Wendt, From Manoa to a Ponsonby Garden, Auckland University Press (Auckland, 2012), p. 3. Traduction : J.P. Durix.

40 - « I walk in her wake almost every morning and afternoon/along the Manoa valley/from home and back after work/In her slipstream shielded from the wind and the future/I walk in the perfume that changes from day to day/in the mornings with our backs to the Ko’olau/in the afternoons heading into the last light as it slithers/across the range into the west », « In Her Wake », From Manoa to a Ponsonby Garden, p. 8. Traduction : J.P. Durix.

41 - « ... a story is only ‘true’ if in the telling you can persuade your listeners it is true.  », Out of the Vaipe the Dead Water, A Writer’s Early Life, p. 55. 

42 - « We don’t inherit the past/but a creation of our remembering », The Adventures of Vela, Huia (Wellington 2009), p. 23. Traduction : J.P. Durix.

43 - Huia (Wellington, 2012).

44 - Au Vent des îles, Tahiti, 2018. Titre original : Breaking Connections, Huia (Wellington, 2015). traduction française de J.P. Durix.

45 - Les premières populations polynésiennes à occuper l’archipel d’Hawaii.

46 - Hawaïen : taro.

47 - Hawaïen : plantation de taro.

48 - Ces Liens que l’on brise, p. 7-8.

49 - Ibid., p. 13.

50 - Auckland University Press (Auckland, 2012).

51 - Hawaïens.

52 - « The Ko’olau has seen it all/I too will go eventually/with my mountains wrapped up/in acid-free drawings that sing/of these glorious mountains/and the first Kanaka Maoli who named/and loved them forever », From Manoa to a Ponsonby Garden, p. 5. Traduit par J.P. Durix.

53 - Auckland University Press (Auckland, 2003).

54 - « Une histoire peu fiable ».

55 - « whose body is disintegrating ; an old-fashiones socialist who has watched, with angry disillusionment, the welfare state being dismantled over the last few decade ; a grandfather who was not a very good father and who now, in turning white and arthritic and bionic, wants to be loved and forgiven and adored by his children and mokopuna [Maori : “petits-enfants”] », p. 18. Traduit par J.P. Durix.

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