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Joseph Kabris ou de la soumission - À la mémoire de Constant Guéhennec

par Riccardo PINERI


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Jean-Baptiste Cabri (1780-1822), appelé également Joseph Kabris est une figure emblématique qui fait partie de ces errants, marins, déserteurs, coureurs de rêves qui échouent sur les rivages polynésiens comme Edward Robarts, John Coulter, médecin attaché à l’équipage d’un navire baleinier, comme le missionnaire William Pascoe Crook et plus tard l’écrivain Herman Melville, qui ne se bornent pas à donner des Marquises ou de Tahiti un témoignage extérieur, à rabattre la culture classique de l’Occident sur la Polynésie comme ce fut le cas de Bougainville, mais qui vivent de l’intérieur l’expérience de l’étrangeté et ses enjeux de sens. 


Jeune marin français, originaire de Bordeaux, Jean-Baptiste Cabri s’embarque en 1793 à l’âge de quatorze ans sur un bateau corsaire. Illettré comme la plupart des marins de l’époque, il est fait prisonnier par les Anglais, et pendant un an il est incarcéré à Portsmouth ; libéré il fait partie de l’équipage d’un bateau baleinier qui se dirige vers les mers du Sud et fait naufrage en 1797 sur les plages des Marquises, à Nuku Hiva. Il devient rapidement une aide précieuse pour les guerres entre les tribus locales ; adopté par une famille de chefs de la tribu des Tei’i (1), il épouse leur jeune fille Waimaïki qui lui donnera deux enfants. Il apprend la langue marquisienne, il est appelé Kabrili par les Marquisiens et il procède à une assimilation poussée, se faisant tatouer le visage et le corps. 


Le mariage avec Waimaïki (2) a été l’occasion pour Cabri de recevoir ses premiers tatouages de la main du chef lui-même. Le premier porte le nom de mata hiamoe, large bandeau qui recouvre la partie gauche du visage du marin et qui lui assigne une place précise dans la hiérarchie de la société marquisienne, lui octroyant le privilège de manger à la table du chef ; le second en forme de soleil « mehama qui me donnait le titre de juge (3) ». Comme le font remarquer Paul et Marie-Noëlle Ottino-Garanger dans leur livre sur le tatouage aux îles Marquises, à propos du mata hiamoe : « le terme est formé de mata [œil] et de hiamoe : sommeil, dormir. Ce dernier terme est lui-même composé de hi’a : désir, volonté, intention... et de mo’e : se coucher, rêver, songer (4) ». Constant Guéhennec, à propos du portrait de Cabri d’après un dessin d’Orloffsky, écrit : « Il est intéressant de noter la définition donnée par Langsdorff pour /moe/ traduite improprement par « genou ». Cette interprétation n’est pas sans rappeler une ancienne coutume polynésienne relevée par Cook dans deux aires géographiques bien marquées du Triangle, les îles Tonga et l’archipel d’Hawaii : moe ou moea consistait pour une personne de condition inférieure à mettre genoux à terre afin de rendre hommage au chef devant qui il se prosternait. Le sujet posait ensuite sa tête sous les pieds de son suzerain en signe d’allégeance. On peut raisonnablement penser que ce type de cérémonie a eu cours également à Nuku-Hiva. Chez Radiguet comme chez Dordillon le terme marquisien hiamoe désigne un tatouage couvrant le front (5) ». Le tatouage de Cabri est la marque de l’assujettissement au monde communautaire, de l’acceptation du masque social qu’est le corps gravé de signes identitaires. Dans le monde marquisien, le tatouage rend lisible la condition sociale de l’individu, son prestige, ses exploits guerriers, ses qualités physiques. La logique de la Loi que l’écriture du tatouage grave d’une façon irréversible (6), intègre le corps nu dans la culture, se réapproprie, à travers le tatouage, l’excès du nouveau apporté par la naissance de l’enfant, marque l’accès du sujet dans la véritable communauté des hommes ; le corps humain est pris dans la surdétermination du corps de la culture qui détermine le bios, toute vie générique. À l’instar de toutes les cultures primitives, il n’y a pas dans la société marquisienne d’« homme » (‘enata) au-delà du territoire de la tribu et ce qui vient de l’extérieur n’est pas purement humain, il est à la fois homme-dieu, mort-vivant, présence inquiétante qu’il faut mettre en conformité avec la physionomie collective et ses signes distinctifs. D’autres tatouages vont se succéder, « équivalent de ‘papiers officiels’ de J.-B. Cabri dans son pays d’adoption ». Aujourd’hui, lorsque les jeunes Polynésiens ou les touristes dans les îles océaniennes revendiquent l’appropriation des signes anciens du tatouage, c’est un autre sens du mot /moe/, qui vient au premier plan celui de « rêve » et qui occulte, dans la riche polysémie de la langue tahitienne, tout autre sens.


Pendant environ deux siècles de la colonisation et fortement combattue par la religion chrétienne dominante, la pratique du tatouage reprend ses droits, mais le sens des signes est totalement oublié au profit d’un intérêt esthétisant et d’une affirmation ethnique, une algèbre dont on n’a pas la clé et seule demeure l’affirmation communautaire.


Dans le christianisme, la polémique contre le tatouage entend combattre la rivalité affichée entre les nations et éviter ce qui défigure l’image de Dieu et des hommes comme il est écrit dans le Lévitique 19, verset 28 : Vous ne ferez point d’incision sur votre chair pour un mort. Vous n’imprimerez point de figures sur vous. Je suis l’Eternel. Le tatouage représente pour le christianisme le péché d’exhibition des passions et l’esprit de rivalité qui en découle, comme le piercing contemporain qui transforme le corps en magasin de quincaillerie et revendique l’ancienne pratique aztèque et maya destinée à marquer les différences sociales. Le monogramme intérieur de l’âme et de l’esprit de la culture occidentale répond à l’ostentation figurative, il met en évidence la valeur infinie de la personne humaine qui dépasse la culture nationale au profit d’une culture universelle, fondée sur une grammaire morale : Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Genèse, 1, 26-27). La culture néopaïenne mondialisée tend justement à rejeter cette relation du visage humain avec le visage divin, avec ce qui dépasse les limites du sensible et fait signe vers la profondeur de l’être. Le souci d’originalité ethno-bobo-écologique est associé à un culte de la Terre et des Morts, L’individualisme forcené et le retour à l’origine fabriquée cohabitent tant bien que mal dans la postmodernité globalisée. 


La double étrangeté


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Lors de l’expédition russe de Krusenstern en 1804, Joseph Kabris devient un agent de liaison entre les Marquisiens et les membres de l’expédition. Il quitte, probablement forcé, les Marquises à bord de la Nadeshda, il devient moniteur de natation à Saint-Pétersbourg, « danseur marquisien » à Moscou et il rentre en 1817 en France avec des soldats de la tragique expédition napoléonienne de Russie. Ne cessant de penser à son retour aux Marquises, il s’expose dans le « Cabinets des illusions », petit théâtre de sa ville natale, montrant ses tatouages pour quelques sous, à Paris dans des baraques foraines du Champ de mars et à l’occasion de foires dans de nombreuses villes. À Valenciennes, comme l’écrit Aimé Leroy, journaliste de l’époque, « ce membre d’une famille royale, dont les malheurs et les étranges destinées n’étaient pas assez connus, attirait peu de monde ; tandis qu’on se rendait en foule aux baraques de la ménagerie, de la jeune fille pesant 400 livres et du veau à trois têtes, ses voisins (7) ». Roi sans couronne, Joseph Cabri meurt de pneumonie en mars 1824 et la commission du Musée de Douai émet le vœu, non exaucé, d’acheter sa peau pour « orner », selon ses propres mots, son musée, mais cette demande ne put aboutir. En 1820, est publié à Genève son témoignage sur les îles Marquises, rédigé par A.F. Dulys : 


« Précis historique et véritable du séjour de J. Kabris, natif de Bordeaux, dans les isles de Mendoça, situées dans l’océan Pacifique sous le 10e degré de latitude sud, 240 degrés de longitude ». 


À la frontière des cultures, Cabri fait l’expérience d’une double étrangeté : dieu ou non-homme pour l’univers marquisien qu’il s’agit d’incorporer à outrance dans l’ordre de la culture, curios à exhiber pour l’univers européen. La société occidentale renvoie dans l’ordre du « monstrueux » l’écriture sacrée dont Cabri est le porteur, qui devient un simulacre aux yeux d’une société qui a connu depuis longtemps le processus de désacralisation et institué d’autres signes de références, un tout autre sens du sacré. La sécularisation de la culture européenne a produit depuis longtemps des espaces relatifs et profanes, à la place de l’ancien espace sacré qui reliait dans une trame serrée et absolue les dieux et les humains, les vivants et les morts. Les symboles sacrés sont acclimatés dans le jardin de la foire, version populaire du « cabinet des curiosités » de la Renaissance européenne, ancêtre du « Musée d’Histoire naturelle ». La culture occidentale tolère le tatouage en tant que manifestation d’un choix individuel, d’un comportement excentrique, en le vidant de ses valeurs originaires, au profit de ses composantes esthétiques, le dessin, la trame, l’ourdi, en fonction du plaisir de l’œil. Couvert de culture, Cabri est la figure emblématique de la désacralisation des signes anciens, de la mutation du sens de l’univers archaïque en une projection illusoire. Ce vide de la signification entre l’ancienne unité de l’homme et du sacré et la désacralisation qui invente des espaces profanes, est l’héritage problématique le plus ancien de la culture occidentale, depuis le théâtre tragique des Grecs, la naissance de la philosophie et le long processus de désacralisation et de recomposition d’un autre sens du religieux opéré par le christianisme. 


Son nom indécis (Cabri, Kabris, Cabrit, Kabrili) le désigne comme progéniteur de la lignée du « Joseph K. » de Kafka, l’innocent prisonnier de la logique impitoyable de la Justice dans le roman Le Procès, ainsi que des « hommes traduits » selon la définition de Salman Rushdie qui caractérise la réalité contemporaine à l’époque de la mondialisation des hommes expatriés, des créateurs à la frontière de plusieurs cultures, étrangers de l’intérieur dans leur propre langue. Si les motivations de Cabri concernant ses décisions de se faire tatouer nous échappent (désir d’identification à la nouvelle patrie, passion amoureuse, empirisme de la sagesse qui conseille plutôt de partager la table du chef que de devenir l’objet du festin), s’il faut garder l’opacité de toute vie commandée par les compromis entre le choix singulier et les circonstances qui imposent un réseau complexe de relations humaines, c’est bien l’affirmation de la Vie, ce jaillissement perpétuel de vécus toujours nouveaux, qui désigne Cabri comme personnage éminemment romanesque. La littérature est née de l’effondrement des mythes anciens, de leur dimension depuis toujours immuable, ayant déjà donné toutes les réponses possibles de l’existence humaine, comme la Loi chez Kafka, par l’acceptation du caractère ouvert et problématique de la Vie. La construction de l’être à travers les chemins complexes de la mémoire et du désir, déjoue l’idée la mieux partagée que l’individu n’est que l’instrument du dispositif culturel, le jouet des logiques discursives qui ne lui appartiennent pas, mais qui le déterminent. 


Parmi les différentes motivations, il y en a une de taille, évoquée par le journaliste qui a pu approcher Cabri avant sa mort : « membre de la famille royale ». Jean-Baptiste Cabri se trouve à la frontière des époques du monde océanien, confronté à une redistribution des rôles et des places du pouvoir, comme Charlie Savage, marin suédois échoué aux Fidji au début du XIXe siècle. Savage entre au service du roi Nalivou et devient chef coutumier, intégré totalement dans la société insulaire. Comme Savage aux Fidji, Cabri est l’exemple de ce que Marshall Sahlins appelle la « sagesse océanienne », qui montre que les Fidjiens, les Hawaiiens et sûrement les Marquisiens n’ont pas uniquement subi l’histoire coloniale, mais qu’ils se sont révélé acteurs à part entière de l’histoire commune, se servant des Blancs comme ces derniers se sont servis des indigènes. Le marin bordelais, quelques années après la Bastille, inaugure une sorte de bovarysme social des antipodes. Ce qui est impossible dans la France de l’Ancien Régime devient ici de l’ordre du possible, se réalise à travers les turbulences de l’histoire. Cabri ouvre l’époque de l’imaginaire occidental que nous retrouverons ponctuellement dans l’histoire de sa rencontre avec la Polynésie, qui se poursuivra dans les années de la colonisation, de l’histoire récente des expériences atomiques en Polynésie et l’après-nucléaire, et qui voit dans ces îles lointaines le conte de fées de l’enfant de paysans qui devient seigneur. 


Le tatouage comme image du bonheur


Aujourd’hui, lorsque les intellectuels polynésiens revendiquent la réappropriation des signes de la culture ancienne, le « rapatriement des dieux », comme instrument anti-occidental et antichrétien, les mythes et les tatouages identitaires, ils prônent un retour aux sources, aux fantômes de l’authenticité, comme si les origines demeuraient immobiles, comme si les anciennes sociétés étaient vierges de tout contact négatif, Eden harmonieux et cohérent. Dans le mot de /moe/ c’est le sens de « rêve » qui vient aujourd’hui au premier plan, de rêverie de l’âme enchantée, qui occulte et rature tout autre sens. Si Cabri s’est fait tatouer, c’est que Cabri désirait la Polynésie, voulait devenir comme nous. Cette lecture n’est pas fausse, elle est même très actuelle, c’est-à-dire une demi-lecture qui s’appuie sur l’argument d’autorité : « c’est vrai, parce que c’est nôtre ». Dans le mot de « rêve » c’est l’idéogramme majeur de la culture contemporaine qui impose son sens à la rencontre de Cabri et du monde polynésien, et c’est un produit dérivé de l’ancien exotisme du XIXe siècle. L’image du bonheur inscrite sur le corps du jeune marin, procède d’une lecture « esthétique » qui met en retrait le sens dominant dans la société polynésienne de l’époque : prêter allégeance. Dans la société polynésienne traditionnelle, la communauté et le domaine public recouvrent totalement le domaine privé. La culture contemporaine essaie d’allier paradoxalement la revendication identitaire, le sens de la communauté qui englobe et dépasse toute individualité et l’affirmation typiquement moderne de la liberté singulière, du choix individuel. La reconquête de la mémoire en fonction identitaire, le désir d’authenticité, revendications premières de toutes les sociétés postcoloniales, renvoient la plupart du temps à une invention des sources, qui se donne après-coup le sens prétendument originaire. Récemment, un personnage public de la vie tahitienne a imposé des signes répétitifs de l’ancien alphabet à la partie gauche de son visage qui rappellent plutôt les déjections d’un oiseau qu’une grammaire ancienne.


En 1846, cinquante ans après le séjour de Cabri aux îles Marquises, Herman Melville publie son roman Taïpi, témoignage de ses aventures de déserteur d’un équipage baleinier et son séjour à Taipivai. En 1851, il publie Moby Dick, avec le personnage de Queequeg, l’harponneur maori au corps entièrement recouvert de tatouages qu’il recopie sur le coffre-cercueil en bois : 


« Il passa pas mal de ses heures de loisir à sculpter le couvercle de toutes sortes de figures et de dessins grotesques et ce faisant, il semblait, à sa façon rude, copier des fragments des tortueux tatouages de son corps. Or ces tatouages avaient été l’œuvre d’un prophète et voyant, décédé dans son île natale. Par le moyen de ces hiéroglyphes, il avait tracé sur le corps de Queequeg une théorie complète des cieux et de la terre et une sorte de ruse mystérieuse sur l’art d’atteindre la vérité. Le corps de Queequeg était donc une énigme à résoudre, une œuvre merveilleuse en un volume, mais il ne pouvait pas se lire lui-même, bien que son cœur vivant batte sous la page. Ces mystérieuses sciences étaient donc destinées à pourrir finalement avec le vivant parchemin sur lequel elles figuraient et s’éteindre à jamais ». 


La rencontre du monde océanien avec l’Occident, par l’introduction des armes à feu dans les conflits locaux qui changent le rôle de la guerre et du pouvoir traditionnel, les maladies et l’alcool qui minent les populations locales, le conflit des anciens dieux et du nouveau Dieu, redistribuent les paradigmes culturels. La figure de Queequeg représente l’effondrement des signes anciens, leur difficulté d’être traduits dans le nouvel horizon d’interprétation ; il s’est transformé en parchemin dont l’écriture est devenue muette, sans « pierre de Rosette » qui donnerait la clé pour la traduction des hiéroglyphes. Toutefois, Melville ne se borne pas à ce constat de l’effondrement des mondes anciens et de leur horizon de sens, il ne se fait pas l’interprète du solipsisme des cultures. Ismaël, le narrateur de Moby Dick, aura sa vie sauve dans le désastre du bateau baleinier, grâce au cercueil de Queequeg qui devient sa bouée de sauvetage. Une autre destination des signes se fait jour ici, la métaphore de la naissance de la littérature. 


Ni soliloque rationnel, ni répétition sacralisée d’une parole depuis toujours advenue, mais source du dialogue humain, la bio-graphie change les signes morts en support de vie, les aventures du jeune marin illettré en bio-graphie d’A. F. Dulys.


L’intérêt pour les formes hétérogènes de la culture, poursuivi par le « primitivisme » des artistes occidentaux du début du XXe (Matisse, Picasso, Nolde, Pechstein, Tzara, plus tard Pollock), la quête du « style singulier » qui caractérise chaque culture pour reprendre la notion de Herder, père fondateur du « culturalisme » moderne, s’est transformée en uniformité culturelle, toutes les cultures possédant des formes qui « valent bien un Michel-Ange ». La Culture devient le synonyme du Politique, en tant qu’ordre absolu dont chaque action, chaque « produit culturel » ne peut être que l’expression, selon la version plus contemporaine : « un tag vaut bien un Gauguin ». La perfection absolue de chaque culture, présupposé du Romantisme allemand, et le relativisme culturel contemporain s’associent pour produire la repentance de la pensée, mode éminent du rejet de la pensée elle-même. « Nous Occidentaux, écrit Jean-François Lyotard, avons à refaire tout notre espace-temps et toute notre logique sur la base du non-centralisme, de la non-finalité et de la non-vérité (8) ». Tout se passe comme si le narcissisme des nations prétendant à une pureté originaire sans mélange, à un aristocratisme absolu, trouvait dans le refus de la vérité prônée par l’intellectuel occidental, la justification théorique pour revendiquer une conception intransitive de la langue, pour nier la possibilité de la traduction. La traduction implique un acte de décentrement originaire à travers lequel les sociétés lisent la nature en lui prêtant du sens, en l’humanisant. La traduction met l’accent sur la vocation ouvrante, sur la fonction de vérité de l’esprit. Dans le texte De mente heroica (L’esprit héroïque) de 1732, Vico avait écrit : « l’esprit est fait pour la vérité », c’est-à-dire qu’il n’est pas enfermé dans sa particularité, déterminée par des fondements objectifs, mais qu’il est ouvert à la richesse polysémique du réel, il est relationnel. La relation est sa dimension constitutive et l’erreur consiste à se prétendre maître et possesseur de la vérité, sicut dii, comme des dieux, au lieu d’accepter d’en être le lieu où celle-ci se manifeste. L’erreur consiste également à faire de la non-vérité le fondement ultime de la réalité, propre à la certitude contemporaine.


1 - William Pascoe Crook, Récit aux îles Marquises 1797-1799, Haere Pō, Tahiti, 2007, p. 119. 

2 - Constant Guehennec, lors d’une conversation amicale, suggérait qu’au lieu de lire ce nom « Walmaïki », peu marquisien, il faudrait plutôt l’entendre Vai ma ‘iki « c’est-à-dire/belle eau claire qui se répand - qui pourrait signifier qu’elle avait la larme facile ou qu’elle était belle comme une eau de source ». 

3 - Marshall Sahlins, La découverte du vrai Sauvage, Paris, Gallimard, 2007, p. 130. 

4 - P. et M.N. Ottino-Garanger, Le Tatouage aux îles Marquises, Ch. Gleizal éditeur, 1998, p. 223. 

5 - C. Guehennec, « Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes », Tahiti, n° 311, pp 32-33. 

6 - La nouvelle de Franz Kafka « Dans la colonie pénitentiaire », publiée en 1919, est l’un des documents majeurs sur la fascination « primitiviste » vis-à-vis de l’inscription de la Loi sur le corps du sujet comme fondation absolue de la communauté humaine, de l’expiation sans promesse eschatologique. 

7 - J. Kabris, Précis historique et véritable du séjour de J. Kabris, natif de Bordeaux, dans les isles de Mendoça, situées dans l’océan Pacifique sous le 10e degré de latitude sud, 240 degrés de longitude, rédigé par A.-F. Dulys, Rouen, imp. de Fs. Mari, s.d., 15 p. (cote B.N.F. LN27 25372). Voir également la biographie romantique récente de Fanny Cournault, Kabris, Paris, Librairie Générale Française, 1991. 

8 - J.-F. Lyotard, Rudiments païens, Paris, UGE, 1977, p. 230.



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